Réalisé par Diego Governatori. France. Documentaire. 1h27 (Sortie 9 octobre 2019). Avec Aurélien Deschamps.
Il y a quelques années, dans un programme intitulé "Il était une foi", on avait pu voir un moyen métrage signé Diego et Luca Governatori, ""Vita di Giacomo", consacré à un jeune homme qui allait devenir prêtre dans ses derniers jours profanes. On avait ce portrait aux meilleures ?uvres de Nanni Moretti.
"Quelle folie", le nouvel essai filmique de Diego Governatori, cette fois sans son frère, pourrait aussi soutenir la comparaison avec l'auteur de "Je suis un autarcique".
Car Aurélien Deschamps, "autiste supérieur" selon la terminologie, n'est pas sans rapport avec le personnage que jouait Moretti, ce bavard incontinent qui proclamait qu'il était autarcique, mot qu'on n'emploie d'ailleurs plus beaucoup et qui a été largement remplacé par "autiste".
"Quelle folie !" de Diego Governatori est une plongée vertigineuse dans le cerveau en fusion de son ami Aurélien, atteint d'autisme mais qui cherche néanmoins, au prix d'une grande souffrance mentale, et sans doute aussi physique, à communiquer coûte que coûte.
Tout habillé de noir, ce barbu est à coup sûr un beau garçon qui, s'il n'était pas enfermé dans un monde, qu'il ne revendique pas comme un monde à part entière, aurait attiré l'attention de tous et de toutes. Il est infiniment sympathique, voire charismatique. L'ayant sciemment filmé à Pampelune, pendant les spectaculaires journées où les taureaux sont lâchés dans la ville, Aurélien est constamment pris pour un acteur et c'est vrai qu'il a un petit côté Charles Berling jeune.
Mais très vite, quand il est interpellé par des fêtards, on sent qu'il y a quelque chose qui ne va pas dans ses réponses ou ses non-réponses. Pas simplement à cause du barrage de la langue...
Filmé remarquablement par son ami Diego Governatori, Aurélien est semblable aux taureaux courant dans Pampelune affolés par les milliers d'hommes et de femmes habillés de blanc avec foulards et bérets rouges...
On le verra aussi petit point noir, tout seul parmi les éoliennes dominant une colline aux cultures vertes et jaunes que filme superbement son ami.
A part, certes, mais tout de même parmi les hommes, se fracassant l'esprit pour trouver comment sortir de son état : "Je me prête à la parole, mais je sais que je suis de l'autre côté".
Plus on le connaît, plus on sent cette barrière invisible qui le sépare du réel. "Quelle folie !" répète-t-il à l'envi. "Pourtant, j'en ai des chose en tête !" ajoute-t-il. Jamais, sans doute, un autiste n'aura fait tant d'efforts pour faire comprendre ce qu'il est et ce qu'il vit.
"Quelle folie !" de Diego Governatori est un film essentiel pour cerner ce "là-bas", "cet hors l'humain" qu'Aurélien cherche à définir, à raconter.
C'est aussi un film sur l'amitié entre le réalisateur et son sujet. Une amitié dont on pourra aussi se réclamer à la fin du film en espérant qu'Aurélien trouvera un jour le moyen de sortir " de cette aberration absolue" dont il rêve de "revenir" et qui n'est pas pour lui "une autre culture" comme certains l'affirment. |