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puce Rétrospective Sébastien Lifshitz
Centre Pompidou  Du au 4 octobre 15 novembre 2019

Dans le cadre de la rétrospective consacrée au réalisateur Sébastien Lifshitz est projeté en avant-première le film documentaire "Adolescentes" dont la sortie en salle est prévué pour 2020.

Devant les photographies amateur rassemblées par Sébastien Lifshitz, on a envie de se raconter des histoires. Qui est cette femme qui se prend compulsivement en photo, le visage à chaque fois extrêmement changé, et comment cette collection s'est-elle retrouvée sur un trottoir de Berlin ?

Qu'est devenue cette famille, si heureuse sur la plage ? Comment vivaient ces deux femmes qui semblent être ensemble, mais qui ne posent jamais l'une à côté de l'autre, comme s'il n'y avait jamais eu personne d'autre qu'elles-mêmes pour se prendre en photo ?

Et devant tous ces fragments d'existence, ces images avec leurs ratés, leurs oublis, leur mystère, on ressent une grande tendresse et une pointe de mélancolie. On pense à la vie plus ou moins secrète des "invisibles", ces couples homosexuels auxquels Lifshitz a consacré un film, et dont l'intimité apparaît dans ces toutes petites photographies, comme si l'image seule pouvait devenir confidente du bonheur.

Le temps qui passe a laissé sa marque dans les visages effacés, les couleurs estompées ; des pages entières d'albums photo ont été vidées, des souvenirs ont été arrachés, jetés aux quatre vents. D'autres ont simplement vieilli : à travers une série de photo d'identité, on voit des inconnues sortir de l'enfance, traverser l'adolescence avant de nous revenir grand-mères.

Une démarche qui n'est pas sans évoquer celle d'Adolescentes, le dernier documentaire en date de Sébastien Lifshitz.

Ces dernières années, le cinéma documentaire s'est beaucoup penché sur cette période charnière de la vie où l'on apprend à aborder de nouveaux rivages. Le bac, ultime sommet de la vie lycéenne, est au centre du documentaire chanté de David André, "Chante ton bac d'abord" (2014); l'orientation, le chemin à parcourir pour construire sa vie, est le grand sujet de discussion qui anime les adolescents des "Bonnes conditions" (2018), de Julie Gavras, filmés durant trois ans.

Plus récemment, Claire Denis poussait les jeunes gens à se poser des questions, à parler d'eux-mêmes et de leur rapport à leur famille dans Premières solitudes (2018).

Dans "Adolescentes", Sébastien Lifshitz raconte le parcours d'Anaïs et d'Emma, deux copines d'enfance, de leur 4e jusqu'à leur bac. De chacun de ces films, contemporains, se dégage une même inquiétude mâtinée d'exaltation : l'avenir est peut-être grand ouvert, mais parviendra-t-on à prendre son envol, à s'affranchir de sa famille, à trouver son métier ? L'enfance n'est pas très loin, mais déjà, les relations au monde sont bien différentes.

A quoi tient l'intérêt des documentaristes pour cette période de la vie ? Peut-être à l'émotion de voir ces corps et ces visages juvéniles changer si vite, passer de l'enfance à l'âge adulte, tout en conservant quelque chose d'immuable qui nous permet de les reconnaître.

Peut-être à la rapidité des changements qui se déroulent dans la vie de tous ces gens : choisir une voie, un lycée, déménager, travailler... Peut-être à la différence entre les générations, à la complexité des relations qu'ils peuvent entretenir avec leurs parents, aux incompréhensions et aux tendresses. Tous ces éléments se retrouvent dans les beaux portraits d'"Adolescentes".

Tout au long du film, le spectateur se pose la question de la place du cinéaste et du rôle du montage. Certaines séquences semblent servir si idéalement le film qu'elles pourraient être mises en scène.

Quand il filme le réveil de ses héroïnes, ne leur fait-il pas jouer la comédie ? Ne provoque-t-il pas la discussion finale entre Anaïs et Emma, qui évoquent leur futur ? Ne privilégie-t-il pas uniquement les scènes de dispute entre Emma et sa mère, afin d'accroître la tension entre elles, allant jusqu'à exclure pratiquement le père du film ?

Toutes ces questions sont inévitables. Et pourtant, elles finissent par s'effacer devant l'impression de vie intense qui s'échappe du film, devant l'évidence de ces personnages qui débordent de vie.

A Brive, Anaïs et Emma partagent la même classe et leurs secrets. La caméra de Sébastien Lifshitz les suit dans tous les moments de leur quotidien, sans jamais se faire invasive, et parvient à capturer quelque chose de précieux et de délicat : le sentiment du temps qui passe, la manière dont les deux amies évoluent, chacune de leur côté.

Adolescentes" émane le sentiment d'une grande intimité. Le corps est au centre du film, du corps engourdi du réveil au corps alangui qui prend le soleil, ou mouvant dans l'obscurité d'une boîte de nuit.

Peu à peu, on voit ces corps changer, et devenir des corps de femme : Emma se débarrasse de ses bagues, la mère d'Anaïs tente de lui parler de ses kilos en trop, les filles se demandent s'il y a un bon âge pour faire l'amour...Anaïs et Emma forment un joli duo, l'une blonde et ronde, l'autre brune et mince, jouant dans la neige ou se tenant la main au bord d'un lac, encore enfants, déjà grandes.

Mais la différence entre les deux amies est surtout sociale : Emma est fille de fonctionnaires, enfant unique, et habite une grande maison avec jardin ; la famille d'Anaïs est manifestement modeste, ses parents n'ont pas le bac, et elle se charge souvent de garder ses deux frères.

Sans forcer le trait, et surtout sans misérabilisme aucun, Sébastien Lifshitz montre les chemins différents qu'empruntent les filles. La mère d'Emma la pousse vers de hautes études, tandis qu'Anaïs préfère une voie professionnelle, et cherche très vite à quitter un foyer où la vie est parfois difficile.

On la voit grandir en maturité extrêmement vite, après la mort de sa grand-mère puis un terrible accident. Anaïs devenir peu à peu la mère de famille, remplaçant sa propre mère

Elle semble devenir adulte bien plus vite qu'Emma, qui a du mal à s'affranchir de sa mère, avec qui chaque conversation tourne mal. Entre elles, c'est un véritable drame de la communication, où l'une répond toujours de travers à l'autre, comme si elles ne s'écoutaient pas véritablement.

Sébastien Lifshitz montre la tension qui est exercée de toutes parts sur les deux filles. A chaque rentrée, c'est le même discours de la part des enseignants : il va falloir se mettre vite au travail, les notes comptent pour le Brevet, pour le Bac...

Du côté des parents, c'est la même chose : la mère d'Anaïs la menace de la pension si elle ne se tient pas à carreau, celle d'Emma surveille les devoirs de sa fille lors de séances de travail manifestement douloureuses pour toutes les deux.

A la pression de l'école et des familles s'ajoutent les questionnements de ces toutes jeunes filles qui se demandent qui elles sont. Le cinéaste filme avec pudeur Emma qui s’ennuie l'été, seule dans son jardin. Une solitude qui est aussi une solitude amoureuse, dont elle peine à parler avec sa mère.

A travers ces deux portraits intimes, Sébastien Lifshitz interroge le rapport de ces jeunes filles à la politique et au monde. Il montre des adolescents révoltés ou stupéfiés après les attentats. Les scènes qui ont lieu dans les salles de classe sont d'une rare force.

Plus tard, Emma est blasée devant la télévision qui annonce l'élection d'Emmanuel Macron. A l'enthousiasme que fut celui de ses parents en 1981 s'oppose un fatalisme de la génération de 2017, qui n'arrive pas à croire à la politique ou à s'enthousiasmer pour un futur qu'on leur décrit inquiétant.

Pourtant, on aurait tort de voir dans "Adolescentes" un film uniquement mélancolique et inquiet. Le montage est une réussite, qui privilégie aussi les moments d'humour. Car si les filles ne savent pas forcément ce que l'avenir leur réserve, elles conservent une verve et un esprit ironique revigorants.

Sébastien Lifshitz filme l'adolescence comme une période de découverte où l'on chante, où l'on danse, où l'on rit aussi. Avant de laisser ses héroïnes partir chacune de leur côté.

 

Anne Sivan         
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