Réalisé par Jack Clayton. Grande Bretagne. Drame. 1h58 (Sortie le 18 octobre 2019 - 1ère sortie 22 mai 1959). Avec Laurence Harvey, Simone Signoret, Heather Sears, Donald Wolfit, Hermione Baddeley, Ambrosine Philpotts, Donald Houston et Allan Cuthbertson. "Room of the top" ("Les Chemins de la haute ville"), film tiré d'un roman de John Braine, un des membres les plus éminents des "Angry Young Men" avec John Osborne, est resté dans les mémoires parce qu'il a permis à Simone Signoret d'être la première actrice française, si l'on excepte Claudette Colbert, à recevoir l'oscar de la meilleure interprète féminine
Racontant l'ascension par les femmes d'un jeune homme issu du prolétariat anglais, "Les Chemins de la haute ville" de Jack Clayton possède un scénario assez proche des films adaptés d' "Une tragédie américaine" de Theodor Dreisler, à savoir le film éponyme de Josef von Sternberg, puis "Une place au soleil" de Georges Stevens et "Match Point" de Woody Allen (sans que celui-ci, comme souvent, n'avoue son emprunt). Sauf qu'ici, Laurence Harvey ne se transforme pas en assassin.
L'acteur britannique n'a rien à envier à Montgomery Clift ou Jude Law et l'on comprend très vite comment ce Rastignac, voire ce Frédéric Moreau, fait son éducation sentimentale grâce à son visage d'ange. Ce qui change radicalement d'avec son homologue américain, c'est qu'il est à la fois mû et entravé par la lutte des classes qu'il vit dans sa propre chaire.
Venant de la banlieue pauvre voisine, c'est déjà un miracle - provoqué par les turbulences de la guerre qui a remis (un peu) de désordre dans l'immuable édifice social - s'il a pu se propulser dans une ville plus bourgeoise.
Quand il y parvient pour occuper un poste de comptable dans un service public, ces nouveaux camarades lui disent toute la chance qu'il a et lui recommandent de ne pas trop forcer le destin en acceptant la position qu'il vient d'acquérir.
Ce n'est pas l'idée de Joe. Participant à un atelier théâtre qui lui permet d'approcher des gens appartenant aux classes dominantes, il va rencontrer à la fois une femme mûre d'origine française et la fille du grand industriel de la ville...
On parlait de Flaubert tout à l'heure et c'est vrai qu'on est très près de l'histoire de Frédéric Moreau. Pris entre Simone Signoret et Heather Earls, entre les ruses du sexe et du cœur, de la passion et de la raison, Joe va parvenir - chose invraisemblable et quasiment miraculeuse - au Graal qu'il s'était fixé... Mais à quel prix ?
Sans raconter jusqu’au bout le scénario des "Chemins de la Haute Ville" de Jack Clayton, on comprend pourquoi la prestation toute en sensualité désespérée de Simone Signoret lui a valu l'attribution de la statuette dorée. Elle livre une composition bouleversante, d'autant plus bouleversante qu'elle préfigure sa propre déchéance amoureuse et physique.
Réalisé par le très sous-estimé Jack Clayton, quand même auteur de la belle version de "Gatsby le Magnifique" avec Robert Redford, photographié sublimement par Freddie Francis et bénéficiant d'une des meilleure musiques de Mario Nascimbene, ce film mérite amplement le qualificatif de "classique".
Jamais académique, filmant une Angleterre à deux visages où les traces des bombardements allemands ne sont pas encore effacées dans les quartiers pauvres, "Les Chemins de la haute ville" de Jack Clayton se nourrit de la colère d'une après-guerre en train de reconstruire, malgré les apparences du contraire, une société de classes où la caste dominante reprend peu à peu ses aises.
Un film à cent coudées au-dessus de la majorité de ceux réalisés soixante années après lui. |