Seize ans après son premier EP, et quelques albums plus tard, Enik revient avec The deepest space of now. Publié sur son propre label, la parenthèse indie-électro est un monstre bicéphale entre calme et turbulences.

Un ruissellement, quelques cordes pincées, un lent battement, un doux glissement "One day you will find me […] let they be ashamed of me, they don’t understand". L’album s’ouvre sur un morceau magnétique : "Strawberry clover". La régularité rassurante d’une comptine face aux sinistres.

Des sons chitineux aux volutes étincelants, l’album est une traversée du golfe des persistances acoustiques. Les notes s’étirent parfois jusqu’à la lisière de l’entendement, le titre est maintenu sur terre par une discrète percussion, ce battement de cœur tantôt effronté, tantôt rageur qui rythme les ambiances.

The deepest space of now est un mélange de chants mélancoliques et de tempêtes intérieures, quand l’impuissance fout les nerfs et le sublime fait se courber les échines. De sa tanière, Enik pose les organes sur les espaces flous entre moi et les autres, il contre l’arrogance des tyrans et vagabonde dans les pensées controversées. Du rêve et des envies, du désespoir et de l’inachevé. Enigmatique et calculé, l’album est bluffant de précision dans ses compositions, pas une faute de goût dans le mélange.

Noirceur de l’âme et ambiance orageuse caractérisent l’album d’Enik. Je vous passe l’énumération délicate des influences de l’artiste, sachez toutefois qu’un céphalopode n’a pas assez de branches pour les tâter du bout de la pustule. Des mélodies jazzement sensuelles, du rap percutant avec l’intervention du rappeur TES UNO, des rythmes inquiétants d’un tango nocturne, des éclats perchés sur des talons à éperons, et des voltages en rouflaquettes, quand les boules à facettes paillettent.