Comédie dramatique de Philippe Marchasson, mise en scène de Hervé Van de Meulen, avec François Marchasson et Patrick Paroux. Sous-titré "Dernière sortie avant péage", "L'Epaule de Dieu" aurait pu tout aussi bien s'appeler comme le film de François Dupeyron "Drôle d'endroit pour une rencontre".
Tout commence dans un décor hétéroclite, avec un distributeur d'eau et ses gobelets, un rhinocéros bleu, un fauteuil dans lequel se tient L'Un (François Marchasson) en train de consulter une revue extraite d'un tas. Pas très loin une carafe de vin et deux verres. Et puis apparaît L'Autre (Patrick Paroux) demandant d'emblée "un cure-dent".
On comprend très vite que les deux personnages viennent d'avoir un grave accident de la route et l'on s'imagine que l'on est quelque part dans ce qui pourrait être une antichambre de la mort, un endroit déplaisant où l'on va, comme il est dit très trivialement dans le texte de François Marchasson, se faire "enculer".
Commençant dans un climat d'absurde à la Ionesco, le face-à-face entre les deux hommes dévoilent peu à peu beaucoup de ses mystères. Peut-être trop rapidement et trop complètement. Si, à la fin, tout ne sera pas résolu, une grande partie des questions qu'on se posait sera élucidée.
Au départ, celui qui a causé l'accident (L'Un) paraît être maître de la situation. Il est présenté comme un passionné de Schubert, cite des titres de films de Godard ("Tous les garçons s'appellent Patrick") et semble exercer une activité "intellectuelle". Là où il est à présent, entre la vie et l'après, l'intéresse comme une expérience pleine d'enseignements, un passage obligé où il est enfin confronté à la grande question finale du sens de l'existence.
Son alter ego, de condition plus modeste, est un artisan qui n'a pas envie de croire qu'il attend le jugement dernier qui aurait lieu dans la pièce d'à côté et cherche à rentrer chez lui.
"L'Epaule de Dieu" est ainsi une espèce de conversation "philosophique" sur l'être et le néant qui se tiendrait en français courant et sans concepts. Cela n'empêchera pas L'Un et L'Autre de discuter à une certaine hauteur, sans acrimonie et sans avoir besoin de s'affronter.
L'écriture de François Marchasson est plaisante et il sait parsemer le dialogue de jolis mots d'auteurs sans qu'ils ne soient trop appuyés. Pareillement, les deux personnages ne sont pas monolithiques et l'on découvrira qu'il y autant d'humanité chez l'un que chez l'autre...
En outre, Hervé Van Der Meulen a su régler leur dialogue sans qu'il n'y ait besoin de longs silences, sans qu'on ne trouve pas trop répétitive une situation qui ne connaît pas de vraies évolutions, hormis dans les dernières minutes.
Sans trop en faire, L'Un et L'Autre occupent la scène, ne parlent pas pour ne rien dire et tiennent en haleine des spectateurs qui se demandent si l'auteur proposera une fin originale où la fatidique disparition des deux protagonistes dans le trou prévu pour accueillir tous ceux franchissant le seuil au-delà de la vie. On n'en dira pas davantage.
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