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James Ivory  (avril 1985) 

Réalisé par James Ivory. Grande-Bretagne. Drame. 2h02 (Sortie le 4 avril 1985). Avec Vanessa Redgrave, Christopher Reeve et Jessica Tandy.

La première fois qu'Olive Chancellor voit Verena, quelque chose en elle bascule. C'est une toute jeune femme, une jeune fille même, qui garde sur ses joues rondes les couleurs vives de l'enfance, agitant doucement une épaisse chevelure rousse tandis qu'elle parle. Verena évoque le sujet le plus cher au coeur d'Olive : l'émancipation des femmes. Ce combat est sa vocation, sa raison de vivre.

Dans le Boston particulièrement corseté des années 1870, on aime à aborder le sujet dans certains salons. Mais Olive n'est pas une mondaine, et sa cause, elle y croit fermement. C'est son sacerdoce, et en Verena, elle croit avoir trouvé la prêtresse de ce nouvel Évangile de la liberté qu'elle est trop timide pour prêcher elle-même devant la foule. Alors Olive va prendre Verena sous son aile, et en faire sa protégée.

James Ivory compose, avec Vanessa Redgrave et Madeleine Potter, un premier couple tout en contraste. Si la seconde respire la joie de vivre et la gaîté, Olive est sans âge, un peu usée, un peu fatiguée. Pourtant, sous ses dehors de vieille fille couve en elle un feu continu alimenté par sa passion pour la cause et celles qui la défendent.

Nerveuse, un peu sèche, Vanessa Redgrave prête ses yeux limpides à ce personnage bouleversant qui trop aime. Mais elle n'est pas seule à aimer Verena, puisque Basil Ransom, un lointain cousin du Sud, trouve aussi la belle à son goût, et se met en tête de la courtiser.

"Les Bostoniennes" est une histoire de déchirement. Chaque personnage est confronté à une série de choix, qui engage son existence toute entière. Il n'y a jamais de demi-mesure, aucun retour en arrière n'est possible. Olive comme Basil exige de Verena tout son être, toute sa vie.

C'est là la beauté et la cruauté de ce film qui, sous les froufrous des costumes, montre des personnages animés par des sentiments farouches. Ici, Ivory, grand adaptateur des classiques de la fin du 19ème siècle, de Foster à James, prouve toute l'étendue de son talent, en faisant sourdre les passions profondes qui animent les êtres.

Peu à peu, Olive s'approprie Verena, la loue à sa famille pour parfaire son éducation, la modèle pour en faire une parfaite porte-parole de la cause. Olive est l'âme du mouvement, Verena en est le visage et le corps. Ivory insiste sur la dimension amoureuse qui unit les deux femmes, bien plus que ne le faisait James.

Les scènes d'intimité entre Olive et Verena sont teintées d'érotisme, à travers les caresses banales que peuvent se procurer deux tendres amies, et qu'Ivory excelle à filmer, avec douceur et naturel.

L'amour d'Olive est dévotion autant que passion, comme dans cette belle scène où, retrouvant l'amante qu'elle croyait perdue, elle lui ôte ses souliers pour lui réchauffer les pieds, retrouvant un geste des grands mélodrames de Douglas Sirk.

Basil Ransom n'est pas moins exigeant avec Verena, qu'il veut épouser. Il la prévient d'avance : sa vie avec lui sera celle d'une femme au foyer, dont la voix et le corps seront réservés à son seul plaisir, et non à la défense d'une cause qu'il tourne en dérision. Pour James, à travers la lutte d'Olive et Ransom pour Verena, ce sont également deux mondes qui s'affrontent.

Olive, avec sa distinction naturelle, son éducation classique, son goût du Beau, tend du côté de l'ancien monde, de l'Europe que James affectionnait tout particulièrement. Basil, lui, est un homme du Sud jusque dans son accent traînant, ou dans sa manière extrêmement conservatrice de considérer le monde et le rôle de chacun des sexes. Un parangon de virilité qui est aussi un modèle d'égoïsme.

La lutte entre le Nord et le Sud est symbolisée dans le film par les références nombreuses à la Guerre de Sécession, dont le pays porte encore les traces. Ce n'est d'ailleurs pas étonnant si l'arrivée de Ransom est souvent accompagnée à l'écran d'une musique militaire, qui donne l'impression de voir un soldat partir à l'assaut chaque fois qu'il franchit la porte d'un salon.

Son amour pour Verena est-il alors sincère, ou n'a-t-il comme motif profond que le désir de vaincre Olive et les valeurs qu'elle porte, de lui prouver qu'une femme n'est qu'une femme, et qu'à l'appel de la chair, Verena succombera, comme toutes succombent ? La problématique rapproche "Les Bostoniennes" de "Washington Square", autre grand roman de l'amour incertain.

Rarement histoire plus triste n'a été si solaire. James Ivory, au gré des déplacements de ses personnages, filme tour à tour une ville lumineuse, un bord de mer ensoleillé ou un petit bois propice aux amours interdites. C'est dans ce monde si paisible, au détour d'un geste ou d'un mot, que se jouent les destins.

Mais Ivory est peut-être plus tendre que James, et offre à son spectateur un final légèrement plus optimiste que l'écrivain, qui ne laissait pas planer de doute sur le futur de Verena ou la douleur d'Olive, que rien ne semble pouvoir racheter. Il nous laisse alors avec une tristesse diffuse devant le spectacle de ces êtres épris d'absolu, et qui ne peuvent que se heurter à leur propre fragilité.

 

Anne Sivan         
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