Pesson, Abrahamsen & Strasnoy : Piano Concertos
(Erato) janvier 2020
Alexandre Tharaud est un pianiste curieux de tout et on peut largement le féliciter pour cela. Ses envies semblent sans limite et son répertoire couvre une très large partie de la littérature du piano, de Couperin à nos jours. Ce qui est d’autant plus intéressant, c’est quel que soit le compositeur ou l’époque, le pianiste se montre toujours passionnant. Son dernier disque en date, Versailles sorti en 2019, autour de pièces de Couperin, Lully, Balbastre, Rameau, Royer, D’Anglebert ou De Visée en est un parfait exemple.
Son nouvel album réunit des enregistrements en première mondiale de trois concertos pour piano écrits pour lui par trois compositeurs de notre temps : le Danois Hans Abrahamsen, le français Gérard Pesson et le franco-argentin Oscar Strasnoy.
Le concerto pour piano de Hans Abrahamsen : Left Alone porte bien son nom, car il est uniquement écrit pour la main gauche. Cela n’a rien d’original ni de spécialement novateur. Maurice Ravel a composé l'œuvre la plus célèbre de ce genre, commande du pianiste autrichien Paul Wittgenstein, qui avait perdu son bras droit sur le front de l'est pendant la Première Guerre mondiale. Wittgenstein est également à l'origine d'autres œuvres originales dont il sera le commanditaire comme les Concertos de Korngold, Hindemith ou Prokofiev, Diversions de Britten... Le concerto comprend six mouvements trois dans chacune des deux parties. La narration y est forte et complexe. S’y mélangent tensions rythmiques, cordes stridentes, moments terrifiants ou éthérés où se développent les thèmes de la solitude et de l'isolement.
Future is a faded song de Gérard Pesson est tout en subtil mystère, en infini petit épisodiquement, en presque plus rien (le pianiste joue parfois plus qu’avec une main puis un doigt), en jeux de silence et de chuchotements dans son chant délicat.
Kuleshov d’Oscar Strasnoy s’inspire de Lev Kuleshov, cinéaste théoricien de l’image et de ses travaux sur le sens de l’image : la faculté d'un plan à peser sur le sens du plan qui vient ensuite dans le montage. La partition est très découpée : le montage est (...) l’outil principal de la dramaturgie musicale selon Strasnoy, avec de nombreuses oppositions de timbres, de rythmes et de couleurs.
Alexandre Tharaud tout en souplesse, virtuosité, rondeurs ou incises et introspection révèle les foisonnantes couleurs, les atmosphères et la force expressive de ces 3 œuvres, qu’il faut comme une large partie du répertoire contemporain soutenir.