Voilà une bien belle autobiographie que nous proposent les éditions Philippe Rey en publiant celle de l’auteur britannique Kerry Hudson. Kery Hudson vit et travaille à Londres. Elle est l’auteure de Tony Hogan m’a payé un ice-cream avant de me piquer Maman, paru en 2014 et de La couleur de l’eau, prix Femina étranger en 2015.
Ne connaissant pas cette auteure, je me suis plongé plain d’enthousiasme dans la lecture de ce roman, sur les conseils de Muriel, qui m’a une fois de plus bien aiguillé. Kerry Hudson est née en 1980 dans les quartiers populaires d’Aberdeen, en Ecosse, d’une mère vulnérable, isolée et sans emploi, et d’un père alcoolique et absent. De centres d’accueil en bed and breakfast, sa petite sœur et elle ont connu pendant près de vingt ans la précarité extrême, les queues le lundi matin aux caisses d’allocation, la détresse et la violence familiale.
Aujourd’hui, Kerry est une femme mariée de quarante ans, qui a écrit deux romans et voyagé de par le monde. Mais elle n’oublie pas l’enfant qu’elle a été. L’histoire et la vie de Kerry Hudson n’ont pas toujours été roses, son enfance particulièrement et c’est donc avec une très grande sincérité qu’elle nous la raconte dans cet ouvrage superbement écrit.
Ce qui fait la force de cet ouvrage et qui renforce la sincérité des propos de l’auteure vient du fait qu’on la voit constamment aller piocher dans les souvenirs qu’elle a de cette enfance douloureuse. On sait tous que nos souvenirs d’enfants existent et restent passés un certain âge (on a peu de souvenirs normalement de notre vie avant 5 ans). Pour elle, il y a aussi les cauchemars qui réveillent certains souvenirs. Et surtout, il y a les lieux de son enfance qui, de nouveau visités la renvoient à son enfance dans la précarité. Ses maux et ses maux anciens sont touchants, de nombreuses émotions se dégagent de cette lecture.
En même temps qu’elle nous parle de son enfance, centré sur la précarité et la pauvreté, elle n’hésite pas à faire un parallèle sur notre société, montrant qu’elle ne touche pas qu’elle et les conséquences qu’elle a sur les vies des gens qui y sont confrontés. La pauvreté, c’est l’exclusion, la discrimination, les problèmes familiaux parfois aussi et la honte aussi.
Cette vie, celle qu’elle nous raconte, c’est aussi celle d’une personne qui est sortie de cette pauvreté, qui a vu l’ascenseur social fonctionner, ce qui est de moins en moins le cas aujourd’hui. Ce livre n’est pas une thérapie pour l’auteur, il est un témoignage courageux sur la pauvreté, un récit drôle et bouleversant sur l’urgence.
Dans cette autobiographie, Kerry Hudson revient donc avec humour et fierté sur les lieux de son enfance, là où elle a grandi, puisant dans ses souvenirs et posant un regard acéré sur les inégalités de classe actuelles et les moyens de s’élever. S’abstenant de tout jugement et sentimentalisme, elle cherche à comprendre, à donner voix aux exclus et aux invisibles dont elle a un jour fait partie. |