Comédie dramatique de Sonia Chiambretto, mise en scène de Anne Théron, avec Frédéric Fisbach, Julie Moreau et Adrien Serre.
S'inspirant notamment de l'ouvrage de la sociologue Sylvie Monchartre sur le recrutement et les espaces de (non-)qualification dans l’hôtellerie-restauration, Sonia Chiambretto a conçu une partition concentrique sur les thèmes du pouvoir normatif du discours, en l'espèce des protocoles régissant l'accomplissement des tâches dans ce segment socio-professionnel, du rapport de domination et de soumission résultant de la subordination professionnelle, de la servitude volontaire et de la machine capitaliste.
"Supervision" entraîne donc le spectateur dans les coulisses du microcosme métaphorique d'un palace cinq étoiles avec pour devise "Tenue, ponctualité, présence, travail" constituant le serment d'allégeance des employés soumis également à des mesquineries et tensions intestines, dont la machinerie entrepreneuriale et managériale est calquée sur celle de toute grande entreprise contemporaine.
Pour la transposition scénique de cet envers du décor composée comme une fresque polyphonique, Anne Théron propose une forme percutante, passionnante et ludique ressortant à une hybridation singulière en symbiose un opus ressortant à la fantasmagorie du réel.
En effet, pour animer, sinon incarner, ce texte dépourvu d'intrigue et composé de bribes de récits de vies, monologues et brèves scènes dialoguées entre des personnages définis de manière descriptive et factuelle, elle a créé une chimère inédite.
Celle née de la fusion du théâtre documentaire, la biomécanique meyerholdienne et de la comédie-ballet dans laquelle prévaut la dramaturgie du corps, et donc le jeu physique de l'acteur qui s'avère, au regard de la didactique dénonciation socio-économico-politique, d'une bien plus grande efficacité qu'une dramaturgie de caractères.
Et, également réalisatrice et cinéphile, elle colorise ainsi, avec (im)pertinence) certaines séquences musicalisées du western spaghetti, avec la bande-son morriconienne pour le trio du shaker en choeur, à la Nouvelle Vague, avec la trompette de Miles Davis de "L'ascenseur pour l'échafaud" de Louis Malle pour le blues de la femme de chambre et le thème de "India Song" de Marguerite Duras pour la pantomime du flirt.
Dans un décor neutre en noir et blanc comme les tenues de service réglementaires, sous la direction millimétrée de Anne Théron et mis au pas de danse par la chorégraphe Claire Servant, les trois officiants - Julie Moreau, Frédéric Fisbach et Adrien Serre - campent avec efficacité les protagonistes de cette drôle de comédie sur la cartographie et la culture de l'entreprise. |