Spectacle conçu et mis en scène par Nicolas Struve d'après la correspondance entre Anton Tchekhov et Lydia Mizinov, avec David Gouhier et Stéphanie Schwartzbrod. Le public passionné de théâtre n'ignore pas que le personnage-titre de "La Mouette" est directement inspiré de l'actrice Lydia Mizinova connue comme l'amour, sinon raté du moins inaccompli, d'Anton Tchekhov.
Leur correspondance erratique - et dans l'ensemble inédite et inexploitée - sur une période d'une décennie constitue le matériau tangible dans lequel Nicolas Struve comédien, traducteur et metteur en scène, s'est plongé au terme d'un conséquent travail de traduction et de décryptage pour explorer la nature de leur relation.
Et composer avec "Correspondance avec La Mouette", comme indiqué dans sa note d'intention "un petit récit“ d’amour et de morale éphémères" sous forme d'un opus théâtral à deux voix qui s'avère une belle réussite et ce, à plus d'un titre, en premier lieu car la transposition scénique d'un corpus épistolaire s'avère toujours périlleux et souvent fastidieux par la staticité inhérente au genre.
Ecueil qu'il déjoue avec une mise en scène affranchie de toute scénographie naturaliste qui hybride judicieusement le jeu frontal dans un registre qui n'est pas celui de la lecture compassée mais de la conversation dialogale, l'adresse au public et la confrontation des corps dans de sensuels intermèdes chorégraphiés par Sophie Mayer en forme de pas de deux soutenus par la rythmique du milonga ou du rock.
Par ailleurs, ses investigations traduisent - sans la lever - l'ambiguïté de la relation entre Ie médecin-romancier déjà connu et la jeune fille de dix ans sa cadette
S'aiment-ils ? Oui, sans aucun doute pour elle. Pour lui, l'affirmatif s'avère moins évident, car l'homme se double d'un écrivain dont l'oeuvre vampirise et instrumentalise le réel. Peuvent-ils s'aimer ? Oui mais alors même que n'existe aucun obstacle ni contrainte leur histoire est placée sous le signe paradoxal du badinage, telle une vraie-fausse amitié amoureuse, et du drame racinien.
Elle est sémillante, lumineuse et entreprenante, il est ténébreux, neurasthénique et irrésolu. Il sera le soleil noir qui pis que l'éteindre la consume la conduisant, par dépit et renoncement, à s'engager, selon ses propres mots, dans une autodestruction consciente. Stéphanie Schwartzbrod et David Gouhier investissent avec aisance les mots des protagonistes pour leur donner verbe et chair et les incarnent magnifiquement aux prises avec l'intemporel vertige de l'amour.
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