Comédie dramatique d'après l'oeuvre éponyme de Frank Wedekind, adaptation et mise en scène d'Armel Roussel, avec Nadège Cathelineau, Romain Cinter, Thomas Dubot, Julien Frégé, Amandine Laval, Nicolas Luçon, Berdine Nusselder, Julie Rens, Sophie Sénécaut, Lode Thiery, Sacha Vovk, Uiko Watanabe, Judith Williquet et le groupe Juicy (en alternance avec Elbi).
C'est le duo Juicy qui, affairé en fond de scène, accueille les spectateurs pour les mettre en condition avant le début du spectacle. Julie Rens et Sasha Vovk, les deux musiciennes belges entre deux reprises, retravaillent les sons, passant d'un style à un autre et proposeront tout au long de la pièce des ambiances particulièrement appropriées.
Mais voilà qu'arrivent déjà toute la bande de comédiens (issus pour la plupart de l'Insas de Bruxelles ou au Conservatoire Royal de Liège) pour incarner tous les personnages de "L'Eveil du printemps" le texte de Frank Wedekind de 1891. Armel Roussel part de la tragédie de Wedekind pour faire la revisiter et en faire un spectacle plus global sur l'adolescence.
On sera d'abord gênés que les comédiens n'aient pour la plupart pas l'âge des rôles, ce qui dénature un peu le propos et donne un côté parodique à l'ensemble, mais on l'oubliera rapidement, emportés dans ce tourbillon où la distribution ne ménage pas son énergie pour illustrer avec flamme l'histoire de ces élèves dans cette période d'éveil au monde et à la sexualité, subissant conjointement la pression scolaire et la pression parentale dans une Allemagne fortement marquée par l'ordre moral et le puritanisme.
La terre lourde qui recouvre le plateau (scénographie d'Armel Roussel) à perte de vue et les éclairages magnifiques d'Amélie Géhin produisent des images sublimes semblant sortir d'un film de Wim Wenders où le bouillonnement des protagonistes s'avère saisissant.
Dans la seconde partie, avec le suicide de l'élève Moritz, le spectacle prend une dimension plus caricaturale. On regrettera l'ajout important (et dispensable) de texte pour une pièce déjà copieuse qui perd un peu le spectateur en route mais on ne pourra qu'être impressionné par le travail de groupe, l'énergie qui se dégage de ce travail et des tableaux réussis.
Dans une distribution solide, Julien Frégé (Melchior), Nicolas Luçon (Moritz) et Nadège Cathelineau (Ilse) sont particulièrement bouleversants et servent cette "tragédie enfantine" où les jeunes entre premiers émois, questionnement sur le monde et leur avenir, se confrontent à l'autorité.
Armel Roussel a voulu élargir le propos et le relier à d'autres figures célèbres (Hamlet ou Roberto Zucco) comme en témoignent d'ailleurs ces pierres tombales à la fin du spectacle.
Spectacle total, dense et physique qui, malgré quelques longueurs (l'épilogue notamment), se suit avec un vrai plaisir, "L'Eveil du printemps" signé Armel Roussel est incontestablement une proposition forte et originale.
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