Comédie de Molière, mise en scène de Stéphane Braunschweig, avec Claude Duparfait, Maud Le Grévellec, Thierry Paret, Claire Aveline, Philippe Girard, Jean-Marc Eder, Nicolas Pirson et Pierre-Emmanuel Rousseau. Le Misanthrope" constitue la première, et réussie, incursion du metteur en scène Stéphane Braunschweig dans le répertoire de Molière
Homme épris de conduite vertueuse et chantre de la vérité, Alceste ne supporte plus la civilité conventionnelle, qu'il assimile à l'hypocrisie, inhérente aux us de sociabilité qui régissent dans son microcosme de la jet society.
Prophète d'un redressement moral qui ne fédère aucun apôtre malgré ses prêches réitérés, il s'engage dans une misanthropie qui le mène inexorablement à s'exclure du monde.
Tout comme est voué à l'échec son amour qu'il entend comme exclusif et possessif pour Célimène, l'archétype de la coquette et de la médisante, exemple ultime de ce qu'il condamne et dont il espère, "par sa flamme", purger l'âme de ces vices tant la belle s'avère en quête du regard des autres.
L'opus conçu comme une succession de scènes de fulminations et de ruptures diligentées principalement Alceste qui, de surcroît, finit par contaminer l'aréopage, tout en séduisant involontairement la gent féminine par l'atypicité de sa nature et sa quichottienne conduite" héroïque". Si la parition originale se déroule dans un lieu unique, un espace public, vestibule ou petit salon, de la demeure de Célimène, la reine de la fête, Stéphane Braunschweig, se calquant sur un rituel de la cour du 17ème siècle, la déplace dans la chambre de celle-ci qui reçoit tant ses ébats avec Alceste que ses amis courtisans.
Et il opte pour une scénographie signifiante dépourvue de decorum basée sur un jeu de miroirs en fond de scène dont l'agencement spatial scande la progression dramatique, face à la salle pour le théâtre miroir du monde, puis en palais des glaces pour les avatars quasi pirandelliens de la vérité, enfin en perspective conique de ligne de fuite telle l'impasse du dénouement.
Avec une recontextualisaton contemporaine sans dommage, Stéphane Braunschweig opère judicieusement une mise en scène dépouillée de tout fatras anecdotique et dirige des comédiens bien distribués de la troupe du Théâtre national de Strasbourg dont il assure la direction.
Parmi les "happy few", les petits marquis (Nicolas Pirson et Jean-Marc Eder) se révèlent de tristes sires, la doyenne bigote (Hélène Schwaller) a encore des bouffées de libido et Philippe Girard dispense une superbe composition dans la dégaine avec mèche du jet setter et la posture de l'artiste. En contrepoint, Thierry Paret campe un ami fidèle et un outsider énamouré d'une douce compréhensive Claire Aveline, tous deux faits pour bien aller ensemble car ils s'accommodent tant de l'ordre social que du caractère fantasque d'Alceste.
Maud Le Grévellec apporte à Célimène la séductrice conquérante une fragilité inattendue mais également une détermination qui laisse entendre qu'elle saura rebondir après l'opprobre infligé par ses pairs. Dans le rôle-titre, Claude Duparfait s'avère magistral en atrabilaire amoureux à la personnalité psychorigide et puritaine qui, entre utopie et cynisme, voudrait changer le monde. |