Comédie dramatique de Ronald Harwood, mise en scène Georges de Werler, avec Michel Bouquet, Francis Lombrail, Juliette Carré, Didier Brice, Margaux Van den Plas et Damien Zanoly.
Passionné par l'Histoire de la Seconde guerre mondiale, le scénariste et auteur dramatique britannique d'origine sud-africaine Ronald Harwood a traité à plusieurs reprises des accointances des grandes figures culturelles allemandes avec le régime nazi.
Son opus "A tort et à raison" est consacré au très renommé et adulé chef d'orchestre de la Philharmonie de Berlin Wilhelm Furtwängler qui a continué d'exercer sous le régime nazi, et ce, même à l'international comme fer de lance de la grande tradition musicale allemande.
Il décline une situation et une dialectiques analogues à celles de "Collaboration" afférente au compositeur Richard Strauss en ce même temps Président de la Chambre de Musique du Reich, et comme ce dernier a été soumis à une reddition de comptes devant la Commission de dénazification siégeant à l'issue du conflit armé.
La procédure d'instruction constitue la situation fictionnalisée par Ronald Harwood et la thématique abordée n'est pas tant, même si présente en toile de fond, celle des relations entre l'art et la politique au plan philosophique, mais au plan individuel au niveau de l'artiste et de son éventuelle compromission politique.
La partition, au demeurant très scénaristique à défaut de puissance dramatique y préférant la synthèse didactique, ne se déploie pas en un huis clos propice au débat d'idées mais selon une trame chronologique scandée par la procédure d'enquête diligentée par un militaire américain dans laquelle interviennent plusieurs personnages, tous aussi archétypaux, pour contrecarrer l'instruction à charge menée par celui-ci.
Ainsi sont listés tous les arguments invoqués par les accusés de collusion même passive, la peur, le cas de force majeure, l'ignorance des exactions commises, avec, en sus en l'espèce, l'excuse absolutoire de la mission de l'artiste, la qualité d'artiste primant celle de citoyen impliqué dans la vie de la cité, qui est de maintenir l'art, en l'occurrence la musique, à son plus haut nonobstant les circonstances politiques.
Dans le décor d'Agostino Pace, un bureau modeste placé sous l'auspice du drapeau étasunien avec en fond de scène une carte blanche d'Allemagne, métaphore de la purification menée par la très sainte Amérique, Georges Werler signe une mise en scène de facture classique dont la staticité est amplifiée par un rythme dont la lenteur est accentuée par l'usage de longs silences.
Au jeu, Juliette Carré, en témoin de moraité, Didier Brice, le second violon pas très "blanc-bleu", Damien Zanoly, en jeune officier américain d'origine juive allemande dont les parents ont été exterminés et mélomane admiratif adepte du pardon des offenses, Margaux Van den Plas, en secretaire-greffière "bonne allemande" douloureuse, et Francis Lombrail, en commandant plébéien et "bas du front" peu sensible aux arguties, entourent Michel Bouquet.
En costume mitterrandien, manteau et chapeau noirs et écharpe cramoisie, et arborant également la fameuse figure de sphinx marmoréen, il campe un maestro ambigu et janusien au narcissisme égotique entre grandeur d'âme et subtile rouerie.
A voir pour Michel Bouquet, doyen nonagénaire des comédiens français, qui, tel Molière son maître, ne peut renoncer à la scène. |