Encore un ouvrage acheté en début d’année, laissé de côté un temps puis ressorti un peu avant le début du confinement. Ouvrage dense, véritable témoignage sur l’horreur des camps de concentration, enfin traduit en français, il est à la hauteur d’autres rescapés des camps qui ont témoigné de leur drame après leur libération.
Iákovos Kambanéllis, né en 1922 et mort en 2011 est un écrivain et dramaturge grec. Il est considéré comme le père du théâtre grec contemporain. Il a été déporté au camp de Mauthausen de 1943 à 1945. Le récit de ses années de camp et des mois qui ont suivi sa libération en mai 1945 par les américains est paru en Grèce en 1963, la même année que La trêve de Primo Levi en Italie et Le grand voyage de Jorge Semprun en France.
Par sa narration vive et précise, par son réalisme aussi, Mauthausen est un tableau hallucinant où alternent les tragiques années de camp, les souffrances endurées, l’inhumanité, la logique infernale des SS, et les mois d’après la libération dans le chaos d’un monde disloqué où tout est joie, espoir et stupéfaction de réapprendre simplement à vivre.
Le lecteur croise tout dans Mauthausen, des scènes effroyables pas loin de l’indicible aux passages remplis d’humour dont fait preuve l’auteur. Un auteur qui a fait le choix de parler à la première personne du pluriel plutôt que d’utiliser celle du singulier. Le "nous" rassemble, lui et ses codétenus, il permet aussi de donner la parole aux autres, ceux qui ont souffert autant que lui et qu’il n’oublie évidemment pas.
L’ouvrage nous renseigne aussi sur la vie du camp après sa libération puisque l’auteur fut désigné responsable de l’organisation de retour des déportés grecs. On voit alors les relations avec les habitants, et les difficultés rencontrées pour assurer l’évacuation. Avec cette histoire et ces témoignages de l’après camp, on a là une véritable originalité de l’ouvrage puisque cet aspect n’est pas présent dans les ouvrages cultes de Lévi ou Semprun. On voit aussi le lourd tribut payé par la Grèce dans ce second conflit mondial.
Témoignant autant de l’expérience personnelle de l’auteur que celle de ses codétenus, mêlant le malheur et la folie, le grotesque et l’absurde, Eros et Thanatos, Mauthausen laisse au lecteur une intense impression d’humanité tant il exprime une expérience aux limites de l’indicible, métamorphosée en chant de résistance et de vie exceptionnel.
Mauthausen restera un ouvrage de référence sur le sujet des camps pendant la Seconde Guerre mondiale, une lecture nécessaire pour savoir ce qui s’est passé dans ces endroits pour que cela ne se reproduise plus jamais. |