Cela fait longtemps que les saxophonistes, peut-être parce que leur instrument est relativement récent dans l’histoire de l’organologie musicale, s’intéressent à toutes les esthétiques et à tous les répertoires, même les plus anciens. Il n’y a aucune raison de les cantonner au jazz ou à la musique contemporaine. Naturellement, tous les répertoires ne conviennent pas forcément au timbre du saxophone (des saxophones) mais celui de la musique de la Renaissance s’y prête plutôt bien.

Ce Mutations Les chimères de Clément Janequin fait partie d’un cycle (Moment musical - Franz Schubert & Clément Janequin : une amitié imaginaire, Amour et Mars - Claude Le Jeune et Clément Janequin) consacré à Clément Janequin par l’ensemble Thélème. L’ensemble suisse est spécialisé dans l’interprétation de la musique ancienne. Fondé en 2013 par son directeur artistique Jean-Christophe Groffe, il se compose majoritairement de musiciens issus de la Schola Cantorum Basiliensis. Le nom de l'ensemble fait référence à l’abbaye de Thélème décrite par François Rabelais à la fin de son roman Gargantua. La devise de l'abbaye est : "Fais ce que voudras".

Pour s’attaquer au répertoire de Janequin, s’éloigner de la référence qu’est Dominique Visse et son ensemble Clément Janequin, avoir un regard neuf et différent sur le compositeur tout en lui restant fidèle l’ensemble a fait sienne cette devise.

Dans ce disque, l’ensemble Thélème s’est associé avec le quatuor de saxophones Xasax, spécialisé dans la musique contemporaine et mêle la musique de Janequin, de Clemens Non Papa ou Roland de Lassus avec celle de Mike Svoboda ("Voulez ouyr les cris de Paris" de Janequin) ou Betsy Jolas ("O doux parler" de Roland de Lassus), le tout entrecoupé par les mutations de Jannik Giger et Jean-Christophe Groffe qui sont comme des respirations, des ponctuations. L’interprétation y est absolument magnifique.

Le mélange, entre Renaissance et musique contemporaine, peut surprendre mais c’est une totale réussite, une pure merveille pour les oreilles.