Réalisé par Eva Riley. Grande-Bretagne. Drame. 1h23. (Sortie le 8 juillet 2020). AAvec Frankie Box, Alfie Deegan, Sharlene Whyte, William Ash, Billy Mogford, Nicola Wright, Emily Gibson et Leia Desseaux.

Leigh, 14 ans, pratique assidument la gymnastique. Fille élevée seule par un père pas toujours présent, elle voit dans la compétition une chance pour se prouver à elle-même qu'elle n'est pas ce vilain petit canard qui deviendra immanquablement un vilain grand canard sans autre destin que de reproduire celui de sa mère, trop tôt mariée, trop tôt mère et de n'avoir comme elle qu'un ultime courage, celui de fuir tout ce gâchis.

Tourné dans la banlieue de Brighton, "L'Envolée" d'Eva Riley est un film social à l'anglaise comme on en a vu énormément.

Contemporain du Brexit, il innove par rapport à tous ceux qui s'inscrivaient dans la lignée des films de Ken Loach car aucun des personnages n'a une conscience de classe, ne se sent solidaire des autres plongés dans le même bain de pauvreté. Au contraire, tous acceptent le "struggle for life", prêts à marcher sur les autres pour "réussir" ou plutôt survivre.

C'est l'arrivée de Joe, un demi-frère dont elle ignorait tout, qui va changer l'existence de Leigh. Un petit peu voyou, lui aussi peu enclin aux valeurs de solidarité et de compassion, ce grand frère qui vient "vivre" avec elle et son père va confronter la jeune adolescente à un autre monde, encore plus impitoyable que celui qu'elle entrevoit dans sa pratique de la gymnastique.

Mais paradoxalement, dans ce milieu social où l'on ne parle pas beaucoup, où l'on échange brutalement, presque sauvagement, elle va faire l'apprentissage de valeurs humaines.

"L'Envolée", premier long métrage de la jeune Eva Riley, n'est pas un "feel good movie social", il ne cherche pas à donner de l'espoir dans des couches populaires qui ont perdu tout espoir depuis longtemps et ne vivent qu'au jour le jour se raccrochant à toutes les branches qui flottent dans une vie qui n'est pas un long fleuve tranquille.

Le film est âpre, la jeune héroïne pas un modèle d'honnêteté ni de gentillesse. Avec l'irruption de son frère, elle découvre qu'elle a peu de temps pour ne pas basculer vers la délinquance, voire plus grave.

Elle découvre aussi qu'on peut l'admirer pour ses qualités physiques, qu'elle possède quelque chose que les autres n'ont pas et qu'elle peut s'en servir pour illuminer une vie pleine de rage et d'intranquillité.

Leigh est un beau personnage courageux et volontaire, bien dessinée par la réalisatrice et idéalement interprété par Frankie Box pour qui s'est le baptême du feu cinématographique. Pareillement pour Alfie Deegan qui joue Joe et qui, lui aussi, est novice dans le cinéma.

On sent ainsi dans "L'Envolée" d'Eva Riley une vérité sur cette Angleterre pauvre fustigée pour avoir "mal votée" et dont on comprend mieux pourquoi elle a pu choisir le Brexit.