Réalisé par Sarah Gravon. Grande Bretagne. Drame. 1h33 (Sortie 9 septembre 2020). Avec Bukky Bakray, Kosar Ali, D'Angelo Osei Kissiedu, Shaneigha-Monik Greyson, Ruby Stokes, Tawheda Begum. D'abord, il faut s'insurger contre ce qui est inscrit en haut de l'affiche de "Rocks" de Sarah Gravon. Non, ce n'est pas un "Ken Loach au féminin".
Si les aventures de Rocks et de son petit frère Emmanuel peuvent avoir des précédents, il faut partir du grand Dickens pour arriver à certains Stephen Frears.
Rien à voir avec Loach dans cette fuite en avant d'une jeune adolescente noire qui cherche à rester avec son petit-frère quand leur mère, psychologiquement très faible, les abandonne et disparaît définitivement de leurs vies.
Car chez Loach, le capitalisme britannique est impitoyable. Il n'y a pas d'assistances sociales qui cherchent à sauver deux enfants et ceux-ci, bien entendu, sont rejetés par les autres à cause de leurs origines.
Au contraire, dans "Rocks", l'entourage de la jeune fille est plutôt bienveillant et ses copines, nonobstant leurs communautés respectives, tentent de l'aider quand elle quitte son domicile pour qu'on ne lui retire pas son petit frère.
Sarah Gravon, dont on avait aimé "Les Suffragettes", s'intéresse à tous ses personnages, pratiquement toutes des femmes, et montre que dans l'Angleterre thatchérisée, à la différence de ce que martèlerait Loach, toutes les solidarités n'ont pas été brisées.
Elle réussit particulièrement les scènes où les filles sont ensemble et parvient à surprendre en faisant réagir autrement que ce que l'on aurait supposé les institutions et les particuliers. Elle met de l'humain là où elle aurait pu se contenter d'une explication mécanique.
Elle est aidée par l'héroïne principale, Bukky Bakray, qui paraît si à l'aise devant la caméra qu'on la penserait une vieille routière des plateaux. Ses petites copines sont à l'unisson et l'on prend plaisir à découvrir tous ses milieux immigrés en cours d'installation définitive à Londres.
Même la résolution finale n'est pas celle que l'on présupposait. Certains trouveront tous cela bien trop optimiste, c'est-à-dire une fois de plus bien peu loachien. D'autres, au contraire, aimeront retrouver, derrière son vernis néo-libéral, un parfum de la vieille Angleterre des "braves gens" dans ces néo-anglais moins égoïstes qu'on l'imaginait.
"Rocks" de Sarah Gravon est par ailleurs un film où l'on s'amuse entre filles et où le parler populaire et mélangé de ses petites adolescentes revitalise le cockney d'antan.
Selon la doxa du moment, "Rocks" est un presque "feel good movie". |