Voilà un ouvrage que je n’attendais pas et que je n’avais pas prévu de lire, non pas qu’il ne m’intéressait pas mais juste car j’avais déjà beaucoup de lectures d’ouvrages d’histoire à lire. Et puis je l’ai reçu, ce fut du coup une belle surprise et sa lecture a devancé d’autres excellentes lectures d’ouvrages du même éditeur dont je vous parlerais pendant les vacances de la Toussaint, sûrement la semaine prochaine.
L’ouvrage de Patrick Weil et de Thomas Macé, préfacé brillamment par Bruce Ackerman est un recueil de lettres inédites de Georges Clemenceau lors de son long séjour aux Etats-Unis. Le 28 septembre 1865, le steamer l’Etna arrive en baie de New-York en provenance de Liverpool. Débarque alors au Pier 44 un jeune médecin français de 24 ans, un certain Georges Clemenceau. Clemenceau va rester finalement quatre ans aux Etats-Unis, durant lesquelles il sera le correspondant aux Etats-Unis du journal "Le temps".
Clemenceau va publier au cours de ce séjour 100 articles qui ont été jugés remarquables par les américains au point qu’ils en ont traduits en anglais près de 74 pour ensuite les publier. Tirés des archives pour sa première fois, ces 100 articles de Clemenceau sont rassemblés et mis à la disposition des lecteurs français, dans leur langue d’origine et surtout dans leur entièreté.
Ils sont introduits par Bruce Akerman (qui nous parle aussi de Tocqueville) et montrent qu’en se confrontant à la démocratie et à la politique américaine, Clemenceau pensa une politique qui eu un grand impact sur le cours de la démocratie en France.
Après une introduction nous expliquant notamment les raisons du départ de Clemenceau vers les Etats-Unis, l’ouvrage suit alors un ordre logique chronologique construit en trois parties éclairantes sur les Etats-Unis. La première partie consacrée aux années 1865-1866 nous montre Clemenceau explorant la vie intellectuelle new-yorkaise et rendant compte des tensions qui traversent les Etats-Unis à l’époque. Lincoln a été assassiné et les Etats-Unis sont en pleine incertitude.
La deuxième partie concerne les deux années les plus prolifiques de Clemenceau, ses écrits concernent les relations entre Andrew Johnson et le congrès américain majoritairement républicain, notamment autour de l’affrontement sur les droits des noirs libres. J’ai trouvé ce chapitre particulièrement intéressant et éclairant.
La troisième partie concerne les années 1869-1870, l’élection de Grant et donc l’arrivée au pouvoir d’un abolitionniste modéré. Andrew Johnson est donc battu aux élections présidentielles, le nouveau président s’engage à défendre l’égalité civile des noirs américains.
Alors voilà, ces lettres écrites à la première personne par Clemenceau nous permettent d’avoir le regard d’un jeune journaliste sur la construction de la République américaine qui sera ensuite l’un des fondateurs de la Troisième république. Clemenceau y fait en quelque sorte un apprentissage de la démocratie. Il permet aussi d’avoir un niveau de lecture éclairant sur deux grands événements : le racisme et l’esclavagisme aux Etats-Unis mais aussi l’intervention française au Mexique pour soutenir la création d’un empire. Il montre enfin les racines républicaines qui habitent Clemenceau. |