Un flot antique de lumière
(Klarthe Records) novembre 2020
"Sylvain d’haleine première
Si la flûte a réussi
Ouïs toute la lumière
Qu’y soufflera Debussy." Mallarmé
Une sorte de concordance des temps. Une concordance poétique et qui convient parfaitement à son sujet. En septembre 2016, le flûtiste Gionata Sgambaro et le pianiste Frédéric Vaysse-Knitter ont "l’opportunité de pouvoir jouer et enregistrer avec un magnifique piano Steinway de 1952, ayant appartenu à la fondation Tibor Varga, dans un lieu onirique immergé dans la nature". Le répertoire est vite choisi, ce sera Debussy : Syrinx, le Prélude à "l’après-midi d’un faune", Bilitis (six épigraphes antiques), la Sonate n°3, L’ombre des arbres, Nuit d’étoiles, dans des arrangements de Gionata Sgambaro ou Karl Lenski.
Debussy a régulièrement été caractérisé comme impressionniste, ce qu’il a toujours réfuté.
"Des sortilèges du symbolisme à la maturité de la tradition française, avec toujours le même raffinement dans les nuances, la même malléabilité de la déclamation, la même mobilité harmonique et la même liberté d’écriture" comme le disait le musicologue? François Lesure. Sa musique laisse une place importante à la couleur et aux timbres des instruments. Pour la flûte, il y a la clarté du timbre, sa volubilité, son côté aérien ou pastoral, les réminiscences mythologiques. Tout ce que l’on retrouve naturellement dans Syrinx. Syrinx, courte pièce composée en 1913, comme musique de scène dans le troisième acte de la pièce de théâtre Psyché de Gabriel Mouray repose sur un récit mythologique. Cette mélodie, c’est le charme du dieu Pan, c’est une mythologie fantasmée, c’est le désir, c’est une troublante sensualité.
Dans Les Six Épigraphes antiques, Debussy reprend la musique de scène qu’il avait composée en 1900-1901 pour le cycle des douze Chansons de Bilitis de son ami poète Pierre Louÿs. Le compositeur nous plonge entre orientalisme, évocations du dieu Pan, danses lascives, climats presque extatiques, modes anciens, éléments de la musique du gamelan indonésien.
Et puis il y a également le célèbre Prélude à "l’après-midi d’un faune" inspiré d’un poème de Stéphane Mallarmé. C’est, comme l’écrira Pierre Boulez : "avec la flûte du faune que commence une respiration nouvelle de l’art musical, non pas tellement l’art du développement musical que sa liberté formelle, son expression et sa technique. L’emploi des timbres y est essentiellement nouveau, d’une délicatesse et d’une sûreté de touche tout à fait exceptionnelles ; l’emploi de certains instruments comme la flûte, le cor ou la harpe, y est caractéristique de la manière dont Debussy les employa dans ses œuvres les plus tardives ; les bois et les cuivres y trouvent une légèreté de main et une sûreté d’emploi telles que l’on se trouve en présence d’un miracle d’équilibre et de clarté sonore."
Il ne faudra pas non plus occulter les beaux Il pleure dans mon cœur, Green, Beau soir ou encore la sonate n°3, écrite pour violon mais qui convient parfaitement à la flûte. Des pièces admirablement interprétées avec style, virtuosité, volupté et sensibilité, avec un grain sonore, une très belle souplesse dans les nuances.