Monologue dramatique de Rainald Goetz interprété par Antoine Mathieu dans une mise en scène de Alain Françon.
Pas facile de parler de "Kolik" de Rainald Goetz. Ce solo intimiste où un homme fait le point sur lui-même n'est ni dans l'humour existentiel d'un Beckett, ni dans l'outrance narcissique d'un Thomas Bernhard.
Dans cette troisième partie d'un triptyque commencé en 1986 avec "Guerre" et poursuivi en 2004 avec "Katarakt", le spectateur n'est que témoin du monologue de Goetz, qui ne s'adresse jamais à lui ni directement ni indirectement.
Que témoin, mais un témoin acceptant d'octroyer une attention extrême à celui qu'il écoute. Ici, un homme parle, expose ses pensées sur l'humain, échafaude une théorie simple par ajouts successifs, complémentaires et parfois contradictoires.
Quasi découvreur de Goetz en France, en montant "Katarakt" avec Jean-Paul Roussillon à la Colline en 2004, Alain Françon est à l'aise avec cet auteur au point qui le rend accessible à un spectateur qui n'a pas le temps de tout saisir de ce jaillissement de mots simples qui forment pourtant au final une vraie pensée complexe.
Dans sa mise en scène de "Kolik", Alain Françon reprend les éléments minimalistes qui lui servaient déjà dans "Katarakt" : une chaise sur laquelle est assis l'homme qui se raconte, un écran vidéo sur lequel seront chapitrées les interventions d'Antoine Mathieu, parfait véhicule des mots de Goetz, parfait interprète des volontés de Françon.
Tout paraît clair par l'entremise d'un acteur dont la voix enchante le texte jusqu'à le rendre plus poétique que philosophique. On est emporté pendant plus d'une heure dans cette œuvre que l'on découvre et qu'il serait préférable peut-être d'avoir lu avant de la voir.
Mais le contraire aussi s'impose : fort de la prestation d'Antoine Mathieu aussi délicatement qu'astucieusement disposé sur scène par Alain Françon, on n'aura pas qu'une hâte : lire la pièce de Rainald Goetz, entré dans son univers riche en formes diverses. "Kolik" est sans doute la voie d'entrée rêvée, il ne faut pas s'en priver.
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