Comédie dramatique de Gilles Granouillet, mise en scène François Rancillac, avec Daniel Kenigsberg, Claudine Charreyre, Lenka Luptáková et Clément Proust.
Rares sont les pièces où, dès le lever de rideau, l'on sent une densité qui n'est pas feinte, un mystère qui n'est pas calculé, une gravité qui ne s'éteindra qu'avec la résolution finale.
"Hermann" de Gilles Granouillet est l'une d'entre elles. Conduite de main de maître par François Rancillac qui connaît bien l'auteur, elle va mener le spectateur dans ce que devrait être toujours le théâtre : un voyage, une expérience où il s'embarque de confiance même s'il ne maîtrise pas tout, même s'il a raté des étapes. Peu à peu, il sait d'une certitude absolue qu'il ne sera pas trompé et qu'il a eu raison de suivre presque aveuglément les quatre acteurs dirigés par François Rancillac dans ce labyrinthe mémoriel. Ici, il est question de neurones, de névrose. Un quatuor étrange composé de deux soignants Léa Paule (Claudine Charreyre) et Daniel Streiberg (Daniel Kenigsberg) et de deux patients, Hermann (Clément Proust) et Olia (Lenka Luptakova) se compose et se décompose au gré d'une combinatoire dont seul Gilles Granouillet connaît la subtile mathématique. On comprend vite que l'amour fou, au sens littéral, va se substituer à la science, que le temps n'est pas une ligne droite, que sa fluidité n'est que méandres et qu'il n'est pas question d'aller vers une guérison en bonne et due forme. Dans ces temps de disette émotionnelle, la proposition faite par François Rancillac à partir du beau texte faussement naïf de Gilles Granouillet est réjouissante. On sent que les comédiens s'y sont engouffrés sans rechigner, rendant évidentes toutes les aspérités d'une parole bien plus complexe qu'il n'y paraît. Si l'on aime le théâtre, quelle que soit la connaissance de l'art dramatique que l'on peut revendiquer, on reçoit rapidement l'information : il faut accepter totalement de se mettre en route pour devenir partie prenante de cette quête aléatoire. Pas besoin d'en dire plus. Là où on arrivera, il n'y aura ni regrets ni réticences. Simplement, le plaisir d'une représentation théâtrale qui a atteint parfaitement son but. |