Ça fait quoi d’être en conflit avec son corps ? D’avoir peur de la nourriture ? De perdre le contrôle ? De perdre la maîtrise de son alimentation au profit du regard des autres ? Tout ça fait partie de la vie de Mindy depuis l’enfance.

A 27 ans, Mindy est mal dans sa peau. Si un jour elle se prive de nourriture, le lendemain elle mange par compulsion. Pourtant, la solution se trouve peut-être dans une barre de chocolat. Et si elle pouvait lui faire revivre les moments clés de sa vie pour comprendre l’origine de son trouble et pourquoi pas, qui sait, faire la paix ?

Sweeney Boo, une jeune illustratrice française expatriée au Canada qui signe habituellement des comics Marvel Action : Captain Marvel nous livre dans un tout autre registre, édité en France chez Ankama, Eat, and love yourself. Un comics inspiré de son vécu avec les troubles du comportement alimentaire (TCA).

Eat and love yourself est un récit intimiste et très personnel empreint d’une grande douceur, que cela soit dans le graphisme, la palette de couleurs aux accents pastel, jusqu’au personnage de Mindy, toujours cachée derrière ses immenses lunettes rondes et ses mèches de cheveux vert pâle.

Pourtant, on y trouve une certaine forme de violence insidieuse, sourde, celle infligée à Mindy par le regard et les mots des autres autant que par les siens.

Sweeney Boo illustre avec justesse et délicatesse ce que sont les troubles alimentaires et fait de l’histoire de Mindy le témoignage de son propre vécu. Elle en montre toute la complexité avec autant de franchise que de pudeur et surtout avec une véritable volonté de déculpabiliser les lecteurs qui se retrouveraient dans son personnage.

Mindy est terriblement juste et si humaine qu’elle en est irrémédiablement attachante. Elle incarne parfaitement les jeunes femmes de sa génération : discrète, complexée, et pourtant loin des personnages clichés que l’on rencontre habituellement dans la pop-culture, qui se cachent sans cesse, puisque malgré le bouclier entre elle et le reste du monde que sont ses lunettes, Mindy a les cheveux verts, elle porte des shorts et des jeans taille haute qui révèlent ses formes, elle ne passe pas inaperçue et ne se cache pas.

Pour la première fois, je lis une œuvre traitant de troubles du comportement alimentaire qui met en scène un beau personnage dont on ne met pas l’accent sur ses difficultés avec les autres mais celles qu’elle rencontre face à elle-même et surtout qui met un point d’honneur à faire comprendre au lecteur que c’est une affaire personnelle, intime et bien plus compliquée qu’on accepte bien souvent de l’entendre.

Sweeney Boo a su créer un récit parfaitement équilibré entre réalisme et fiction, informatif et profondément émouvant, sans jamais tomber dans le pathos.

Pour moi, Eat and love yourself est un sans-faute. J’ai été littéralement bouleversée par cette lecture, par tout ce qu’elle a de vrai, tout ce qu’elle a de difficile mais aussi de merveilleusement positif et libérateur.

À mettre avec délicatesse entre les mains de tous.