Aux privés de dessert sanitaire, aux confinés bien intentionnés, il semblerait que le moment soit venu, le monde d’après c’est maintenant. Et vous savez quoi, il y a toujours de la bière et des concerts, nous voilà enchantés de fabriquer de nouveaux souvenirs. Saint-Etienne, Le Fil, 2 octobre, la nuit des Stéphanois.
Non pas une soirée foot et bières, mais les 30 ans du Festival Paroles & Musiques et un regard spécial sur ces groupes de proximité, une sorte de soirée circuit-court de l’acoustique aux allures de festival. Du neuf et du pas tout jeune, des reformations pour l’occasion et des presque premiers pas sur la scène du Fil. La relève et les voyages dans le temps, à donner des envies à certains de repartir en tournée.
Un atome suspendu, une longue salve électronique dans une pénombre bienvenue, Felower est seul sur scène avec un clavier et une grosse boîte pleine de sons. De la fumée, des loupiotes justement placées, et il chante. En français, il supplie sa belle de revenir, de ne pas partir, et si elle pouvait rester ça serait tout de même plus mieux bien. Producteur et chanteur, le jeune construit un véritable univers acoustique fait de nappes vaporeuses et de déchirements.
Des guitares électriques, un vent de Californie souffle sur la scène Doorsfall. Ils sont groove, ils sont pop et ils punkent un poil dans les années 80-90, ça sent bon les premiers émois musicaux. Eteint depuis 2016, le trio se reforme pour la soirée, riche idée, ils nous emportent loin des rugissants vers un rock planant et des cordes rafraîchissantes. Un clavier souffle de longues salves oniriques percutées en plein vol par une puissante basse à peine refrénée dans ses ardeurs par la batterie sous jacente.
La jeunesse flamboyante, elle est Radikale Junkypop, ample sweat et queue de cheval, elle flow les mots sur des rythmes syncopés avec un discret beat make. En colère ? Non, pas forcément, mais une souplesse linguistique qui a de quoi séduire le plus simple des amoureux de la langue de Voltaire. Culture hip-hop et rage au ventre, les paroles ne font pas sourire, entre fusil sur la tempe et gros calibres dans les poches, le rapport aux autres est tumultueux. Sans agressivité, avec musicalité et énergie, elle nous laisse avec une odeur de bitume et du kérozène dans les voiles.
Des basses, de l’élégance des guitares à la grâce de l’électro, Broadway est fluide. Le groupe invite à l’introspection, à l’élargissement des points de vue avec des titres solaires. Le quatuor stéphanois attise une certaine mélancolie dans ses plages musicales, sans perdre de vue l’euphorie des retrouvailles. C’est frais, c’est punchy et vibre de guitares.
Redbong sont un duo de rappeurs de l’ancien monde, 4 albums puis le silence depuis 2015, ils se reforment pour la soirée. Ils vitupèrent, scandent et vibrent de la ferveur de leur public. Une énergie à décoiffer les poteaux et une autodérision qu’on savoure. Ils montrent du doigt les évadés fiscaux, les complotistes et la téléréalité, et savent être sérieux en parlant cassette audio et générique d’émission de la chaîne publique. C’est bien peu de dire qu’ils mettent le feu à la salle, et bien plus encore. Leurs titres phares attendus ne seront pas de la soirée, mais qu’importe, l’ivresse est là, les regards pétillent, les sourires ravagent.
Et pour boucler la soirée : An’Om x Vayn. Deux jeunes en chemisette, des mélodies et un rap chanté à faire se tomber en pâmoison les demoiselles du premier rang. Le duo formé en 2017 porte les histoires de leur génération à travers des mélodies électroniques et un flow à mi-chemin entre le rap et le chant. Le mélange est spontané, la diction est soignée, l’ensemble est entraînant.
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