Réalisé par Dennis Hopper. Canada. Drame. 1h30 (Sortie VOD 10 novembre 2021 - 1ère sortie 15 avril 1980). Avec Dennis Hopper, Linda Manz, Sharon Farrell, Raymond Burr, Don Gordon, David L. Crowley et Carl Nelson.
"Out of the Blue", c'est, au départ, une chanson majeure de Neil Young qu'on entendra à plusieurs reprises dans le film de Dennis Hopper.
Sans doute, un paradoxe de plus, pour un film réputé punk que d'être illustré par un chanteur de country rock. Mais si l'on écoute ses paroles, cet hymne à la rock attitude n'est pas loin de l'esprit des Sex Pistols : "Il vaut mieux brûler franchement que s'éteindre à petit feu", "Au revoir tristesse, Bonjour noirceur"...
Oui, c'est vraiment sous le signe de la noirceur, d'un nihilisme crapoteux que s'inscrit le troisième film de Dennis Hopper.
Certains ont peut-être oublié cet homme qui a traversé les marges d'Hollywood pendant cinquante ans. Compagnon de James Dean, héros de l'ère hippie avec son film "Easy Rider" (1969), photographe halluciné dans "Apocalypse Now" de Coppola, il est passé par tous les excès et sans doute à côté d'une carrière encore plus prestigieuse.
En exergue au film, il annonce la couleur : "Pour une personne comme moi, avoir la chance de réaliser un film est un miracle... parce que je n'écoute personne".
Effectivement, "Out of the Blue" de Dennis Hopper reste, quarante ans après sa sortie, un sacré miracle. Bourré d'imperfections, heurté, radical, sans pudeur, il aurait pu être aussi "actor's studio" et aussi léché qu'un film de Cassavetes.
Non, "Out of the Blue" transpire la saleté, la bêtise tragique de ses personnages pas du tout révolutionnaires ni rebelles mais profondément "Amérique très profonde". Il y a même quelque chose de célinien ou plutôt de bukowskien en eux. Car Hopper est finalement très proche d'Eastwood dans sa vision réactionnaire de l'Amérique des perdants-perdus.
Reste la figure pure et fragile de "Cebe" incarnée par l'ovni Linda Manz, vue auparavant dans "Les Moissons du ciel" de Terrence Malick et, qu'hélas, on ne reverra plus...
Jeune fille-garçonne cabossée par la vie, née au mauvais endroit pour pousser comme une fleur délicate, respirant sous la figure titulaire d'Elvis à l'heure où le King est aussi mort que Sid Vicious, elle porte le film de Dennis Hopper. C'est elle qui en fait un objet ruisselant de poésie punk.
Après sa non-carrière cinématographique, seulement ponctuée d'une réapparition (pas étonnante) dans "Gummo" d'Harmony Korine, Linda Manz est morte avant la soixantaine, d'un cancer du poumon, en 2020. C'est vrai que dans "Out of the Blue" de Dennis Hopper, elle n'arrête pas de fumer, préfigurant ce destin lui aussi pas très gai.
Reste un film comme il n'y en a pas eu dix dans l'histoire du cinéma "rock'n'roll", suintant la mort et l'énergie de ceux qui vivent en la côtoyant sans cesse.
Face à Linda Manz, Dennis Hopper se réserve incontestablement le meilleur rôle de sa prolifique carrière. Il réalise aussi un film qu'on peut désormais ranger parmi les classiques, parmi les vrais classiques. |