Réalisé par Cheyenne-Marie Carron. France. Drame. 1h59 (Sortie 8 décembre 2021). Avec François Pouron, Fanny Ami, Maël Castro di Gregorio, Jackee Toto, Stana Roumillac, Sophie Millon, Johnny Amaro et Jean-Michel Houssin.
On a souvent parlé des films de Cheyenne-Marie Carron sur Froggy. Un peu moins sans doute depuis qu'elle tourne des films à la gloire de la Légion étrangère qui pourraient être des commandes du SIRPA.
Mais, désormais, elle n'est pas la seule cinéaste à s'intéresser aux képis blancs et elle est concurrencée par Rachel Lang, auteure de "Mon légionnaire" dans lequel elle avait enrôlé le pourtant rebelle Louis Garrel.
Cheyenne-Marie Carron, elle, conserve son légionnaire fétiche en la personne de François Pouron... et elle fait bien car, de film en film, il gagne en épaisseur. Les directeurs de casting devraient venir voir le cinéma totalement indépendant de la réalisatrice de "La Morsure des Dieux" pour au moins découvrir cet acteur puissant, émouvant, jouant ici à la perfection les militaires traumatisés par la mort de ses camarades en Afghanistan et devant passer par la case rééducation mentale pour retrouver le goût de vivre.
De surcroît, dans "La Beauté du monde" de Cheyenne-Marie Carron, François Pouron est confronté, pendant sa dérive post-traumatique, à de magnifiques paysages alpestres.
Tourné en scope, le film bénéficie d'une magnifique photo d'Aurélien Dubois et, il faut le dire, de la grande aisance de sa réalisatrice. On n'a pas impunément signé une douzaine de films en moins de quinze ans, et dans des conditions drastiques dues à l'étroitesse de ses budgets, sans avoir acquis un vrai savoir faire.
On est loin de ses "collègues" sorties de la Femis et vantées dès leur premier film préfabriqué avec une équipe technique pléthorique et pas grand chose à dire. Cheyenne-Marie Carron, elle, poursuit un cinéma têtu, clair dans ses pensées et qui peut déranger idéologiquement mais qui mériterait d'être largement vu, avec des diffusions télé à la clé.
Hélas, on sait d'avance qu'elle devra se contenter d'un succès d'estime, de quelques critiques condescendantes alors qu'on sent qu'elle a, comme d'habitude, vraiment travaillé son sujet et que les scènes, où les militaires blessés dans leur être aussi profondément que dans leurs chair racontent leurs traumas, ont l'accent de la vérité.
Le plus insensible à la cause militaire ne pourra plus condamner d'un revers de main ces hommes et ces femmes qui souffrent atrocement pour avoir voulu défendre ce qu'ils estimaient juste de défendre.
La force tranquille du cinéma de Cheyenne-Marie Carron est là : elle sait, avec une naïveté convaincue qui n'a rien d'insidieux ni de pervers, exposer ses idées, les justifier et les rendre compréhensibles à tous ceux qui, a priori, les rejettent d'emblée.
Evidemment, quand le légionnaire en dérive se bat dans un bar, il le fait contre un "artiste-peintre" et l'on pourrait appliquer alors une grille de lecture du film qui en ferait une œuvre vraiment très à droite.
On lui conseillera de faire un peu plus attention pour ne pas prêter le flanc constamment à un malentendu. "La Beauté du monde" de Cheyenne-Marie Carron est un film dense et émouvant, radicalement humaniste. |