Réalisé par Marco Gastine. Grèce/France. Documentaire. 1h48 (Sortie 26 janvier 2022).
En ces temps pandémiques, on n'a peut-être pas vraiment envie d'accompagner pendant cent minutes des hommes aux corps meurtris qui se battent avec une énergie folle pour retrouver leur intégrité physique.
Cette immersion à Athènes, en Grèce, dans un KAT (hôpital orthopédique et traumatologique), se fait pourtant très naturellement et a l'avantage de ne pas paraître ultra-fictionnée comme dans ces documentaires télés où l'on suit plusieurs cas, donnant à voir de grandes leçons de vie et où l'on sait d'avance qu'il y aura celui dont le traitement échoue, celui qui devra redoubler d'effort pour rejoindre le vainqueur, qui, lui, dès le départ a mis tous les atouts de son côté.
Ici, rien n'est acquis et le personnage d'emblée le plus sympathique et le plus symbolique pas garantie d'un miracle final.
Ses hommes, plutôt dans la première partie de leurs vies adultes, apprendront au spectateur ce qu'ils savent déjà : tout progrès est en deçà du pas à pas. On aura du mal à le quantifier, tout comme on aura du mal à quantifier tous les efforts qui auront été nécessaires pour atteindre un résultat microscopique.
Non seulement le temps est long mais il ne présage de rien : ce n'est pas parce que le sujet est disposé à travailler de manière surhumaine qu'il obtiendra plus de résultat. Les médecins sont là pour énoncer la pire des vérités à celui qui, à un moment, commence à s'évertuer en vain. Il n'ira pas plus loin. Savoir bien vivre avec la chaise roulante qui sera son lot quotidien et quasi définitif deviendra alors sa victoire et non son échec.
Sans sombrer dans le didactisme, "Jusqu'à la mer" de Marco Gastine fait peu à peu comprendre au spectateur qu'il n'y a pas un chemin tout tracé que chaque patient finirait par prendre pour atteindre la guérison totale. Trop de facteurs personnels rentrent en compte pour que la route soit une autoroute. En termes d'image, on serait plutôt sur un sentier caillouteux dont on risque de ne jamais atteindre le terme.
Si l'on n'a pas de point de comparaison français, on ne pourra pas juger objectivement la compétence du personnel grec. Il paraît, cependant, d'une grande attention et d'une grande disponibilité. Les lieux filmés dégagent une grande sérénité, certainement propices à des résultats plus positifs que si l'on sentait du stress et une organisation aléatoire.
On félicitera le réalisateur d'avoir traité avec bienveillance et sans voyeurisme une question qui aurait pu contenir des moments gênants et des scènes inutiles de pathos.
Opère donc une sorte de miracle : "Jusqu'à la mer" de Marco Gastine qui ne filme rien de spectaculaire parvient à embarquer son spectateur dans une tranche cruciale de la vie de quelques hommes. Au bout du compte, c'est passionnant et chacun pourra en tirer personnellement bien plus de leçons sur lui-même que s'il avait été conduit par la main à grands renforts d'images exagérément signifiantes.
Un documentaire simple et efficace, bien construit et dont l'humilité vaut vérité. |