Monologue dramatique d'après le texte éponyme de Thomas Bernhard, adapatation et mise en scène de Gerold Schumann et interprété par François Clavier.
Depuis des décennies, Reger, critique musical renommé, va s'asseoir un jour sur deux sur la banquette de la salle Bordone de la galerie de peinture du Musée d'art ancien de Vienne et contemple le tableau "L'homme à la barbe blanche" du Tintoret. Il y reste toute la matinée. C'est l'habitude qu'il a prise, après la mort de sa femme, rencontrée au même endroit, pour survivre. De là, ce "Chercheur des défauts humains" comme il se nomme se désole de "l'ignoble brutalité" et la stupidité de l'humanité. Et dans de longues diatribes, pourfend allégrement l'état, les musées, les artistes, les politiciens... Rien ne résiste à sa critique acerbe. Reger ressasse sa rancoeur et son dégoût du pays. Sa seule consolation pour rester au monde : lire quelques pages de la philosophie de Schopenhauer. Tout comme les échanges avec le gardien du musée, Atzbacher (qui est en voix off le narrateur). Mais ce ne sont que de maigres réconforts car pour lui, le déclin de l'art correspond au déclin de l'humanité. "Maîtres anciens" est un texte foisonnant d'une rare acuité qui paraît étonnamment actuel. L'art, la politique, la société sont passés à la moulinette. C'est comme toujours chez Thomas Bernhard, acéré et jubilatoire. Avec cependant cette constante mélancolie en filigrane. Et dans l'adaptation et la mise en scène précise de Gerold Schumann, servie à merveille par l'exceptionnelle interprétation de François Clavier qui fait passer toute l'ironie et l'émotion possible, cela devient un authentique chef-d'oeuvre. |