Comédie dramatique écrite et mise en scène par Carole Thibaut, avec Monique Brun, Antoine Caubet, Jean-Jacques Mielczarek, Olivier Perrier, Mohamed Rouabhi, Valérie Schwarcz, Hugo Anguenot, Chloé Bouiller et Louise Héritier.
Avec "Un Siècle - Vie et mort de Galia Libertad", Carole Thibaut a l'immense ambition d'embraser le monde contemporain. De la Guerre d'Espagne à la théorie du genre, tous les événements majeurs de l'après première guerre mondiale vont être évoqués dans cette fresque de presque 2 h 30.
Galia Libertad (Monique Brun), née d'un anarchiste espagnol et d'une mère juive polonaise, va mourir. Sous une branche d'arbre suspendue qui traverse la scène, une grande table réunit autour d'elle tous ceux qui ont compté dans sa vie, enfants, petits-enfants, amis, amants. Trois générations vont témoigner, s'affronter, dire leur amour ou leur admiration pour la "matriarche".
Récit roboratif qui pourrait lasser, "Un siècle" sait mêler le théâtre documentaire dont Carole Thibaut a souvent usé avec la pure fiction familiale. Même si, les uns et les autres, particulièrement les enfants par rapport à leurs parents, ont des griefs et des rancoeurs, on ne sera jamais dans "Festen".
L'auteure-metteure en scène est à l'écoute de ses personnages et de ses acteurs, et l'on sent toute une part autobiographique dans leurs interventions. Ainsi Olivier Perrier, présent depuis plusieurs dizaines d'années dans le paysage culturel montluçonnais, raconte Hérisson, le village où il a créé un théâtre.
Car Carole Thibaut part du local pour atteindre l'universel : la vie et la mort de Galia, c'est aussi l'histoire d'une ville ouvrière en pleine expansion industrielle à l'ère des hauts-fourneaux, puis des pneus Dunlop, avant que viennent les désillusions de la désindustrialisation.
Dans ce travail de mémoire, Carole Thibaut vise d'abord les habitants de la ville et de la région de Montluçon dont elle dirige le CDN (centre dramatique national). Didactique, elle leur rappelle leur histoire, politique et surtout sociale sans que le spectateur originaire d'ailleurs se sente de trop.
Au contraire, comme dans ses travaux sur Longwy, elle montre avec Montluçon que ces cités si loin en apparence de la chose théâtrale, peuvent paradoxalement l'alimenter, la nourrir, pour qu'émerge le théâtre populaire dont elle a toujours été le héraut. Si l'on excepte quelques moments superfétatoires (comme la "boum" qui s'éternise en faisant défiler trop de tubes, de Gilbert Montagné à Feu Chatterton), l'intérêt pour "Un siècle" ne retombe pas.
Bénéficiant des beaux éclairages de Yoann Tivoli, de la scénographie bucolique de Camille Allain-Dulondel, Carole Thibaut sait créer une ambiance assez chaleureuse qui bénéficie d'abord de la présence magistrale et bienveillante de Monique Brun.
Tous ceux qui l'entourent sont à l'unisson, d'Olivier Perrier à Mohamed Rouabhi, Valérie Schwarz, Antoine Caubet et Jean-Jacques Mielczarek. Sans oublier, les jeunes pousses de la troupe du CDN de Montluçon, Hugo Angenot, Chloé Bouiller et Louise Héritier.
Avec "Un Siècle", Carole Thibaut a monté la barre très haut. Elle évite l'écueil de "l'auberge espagnole" historique et si elle étreint beaucoup de sujets, elle n'en maltraite aucun laissant à voir un spectacle d'une grande élégance formelle qui expose des convictions sans chercher à les imposer. Un modèle du genre. |