Réalisé par Alessio Rigo de Righi et Matteo Zoppis. France. Drame. 1h39 (Sortie 23 février 2022). Avec Maria Alexandra Lungu, Gabriele Silli, Severino Sperandio, Bruno Di Giovanni, Enzo Cucchi et Claudio Castori.
Voilà un film dont on n'a pas envie de parler pour convaincre ses éventuels spectateurs tant les mots sont insuffisants pour dire sa beauté, son intelligence, le plaisir du récit et l'émotion qu'il procure.
On voudrait simplement écrire : "Allez y !". Allez-y de confiance sans craindre d'être déçu par cette injonction qui sous-entend qu'on est devant un chef d'œuvre.
Est-ce que "La légende du roi crabe" d'Alessio Rigo de Righi et Matteo Zoppis, le premier film de fiction de ce duo de documentaristes, est réellement un chef d'œuvre ?
Sans doute pas, et c'est tant mieux car le film est vivant dans ses imperfections, son côté mal aimable et dans son naturalisme un peu maniéré. Pour évacuer toute référence, Alessio Rigo de Righi et Matteo Zoppis reprennent le cinéma italien où Ermanno Olmi, ce grand cinéaste hélas oublié, l'a laissé.
Tout commence à Vejano en Tuscie, cette région autour de Rome où s'épanouissait la civilisation étrusque. Une main boueuse saisit dans l'eau un petit objet certainement étamé par un artisan étrusque.
Et puis, entrent en scène des visages d'hommes saisis dans une taverne d'avant l'ère cinématographique. C'est l'heure où l'on raconte des histoires autour d'un verre de vin et l'on voit apparaître sur l'écran une incrustation explicité : "I) La sale histoire de Saint Orso".
Ces hommes aux visages rubiconds vont s'emparer de l'histoire de Luciano (Gabriele Silli) et d'Emma (Maria Alexandra Lungu), celle d'un homme libre, "un saint buveur" comme aurait dit Olmi, en guerre contre une société injuste dans laquelle un prince d'un autre temps peut empêcher les bergers de traverser des terres qu'ils pouvaient jusqu'à lors traverser depuis la nuit des temps.
Cet homme hirsute, le regard halluciné d'un fou alcoolique, est le fils du docteur du village. Promis sans doute à un destin bourgeois, le voilà errant dans la campagne, la bouteille à la main et provoquant le désir d'Emma, la jeune et belle bergère. Les heurs et les malheurs de ce couple improbable nourrit le film d'un romantisme âpre et sauvage.
Avec sa longue dégaine incertaine, son regard intense, Gabriele Silli est un Luciano charismatique. Pour sa première prestation à l'écran, ce plasticien de profession, est absolument convaincant. Avec sa barbe qui va se transformer dans la seconde partie du film, celle qui se passe en Terre de Feu et s'intitule "Au cul du monde", il a de faux airs de Lee Marvin dans "La Kermesse de l'Ouest".
Ca tombe bien puisque obligé de quitter l'Italie, il se retrouvera à ce moment-là dans une espèce de western argentin où il affrontera des chercheurs d'or.
"La Légende du roi crabe" d'Alessio Rigo de Righa et de Matteo Zoppis est sublimement photographié par Andrès Pepe Estrada. Que Luciano déambule dans la campagne romaine ou qu'il crapahute aux confins de l'Amérique du Sud, le spectacle est grandiose, aussi grandiose que la fin que l'on ne dévoilera évidemment pas. |