Dans le cadre de la programmation de la Réunion des musées nationaux.centrée sur les artistes femmes et après "Peintres femmes, 1780-1830 - Naissance d'un combat" en 2021, le Musée du Luxembourg enchaîne avec "Pionnières, artistes d’un nouveau genre dans le Paris des Années Folles" une exposition inscrite dans le tropisme contemporain de la féminisation de l’espace culturel et de la réécriture de l'Histoire de l'Art.
En l'occurrence, les commissaires Camille Morineau, Conservatrice du Patrimoine et directrice d’Aware* et Lucia Pesapane, historienne de l’art, emploient les termes radicaux de marginalisation et discrimination des artistes femmes victimes d'un manque de visibilité systémique alors même qu'elles auraient joué un "rôle primordial dans le développement des grands mouvements artistiques de la modernité par l’interdisciplinarité et la performativité de leur création qui ont influencé des générations entières d’artistes et continuent d’influencer encore aujourd’hui".
Est donc présenté, en un parcours thématique, un florilège d'oeuvres ressortant aux beaux arts, aux arts décoratifs, au cinéma et à la photographie réalisées par 45 artistes à la notoriété établie en leur temps, celui de la foisonnante période des Années Folles, celle de la décennie 1920, et pour la plupart, est connue même du grand public contemporain amateur d'art.
Femmes, femmes, femmes, femmes...
Les femmes artistes, qualifiées par les commissaires de "femmes nouvelles" et de "nouvelles Eves", se veulent émancipées et refusent les assignations tant sociales, identitaires, sexuelles et biologiques et affirment leur indépendance et leur liberté dans une acception idéologique de l'entre-deux entre subversion et provocation.
La monstration ne présente pas un large panorama de ces artistes femmes : ainsi les celles oeuvrant dans l'Abstraction ne sont qu'évoquées, ainsi telles Anna Prinner ("Construction en cuivre"), Franciska Clausen ("Vis") et Marcelle Cahn ("Composition abstraite").
Les artistes surréalistes et celles ressortant au Bauhaus sont quasiment absentes sinon pour certaines par leurs créations "textiles" avec les poupées et marionnettes de Sophie Taeuber-Arp, Stefania Lazarska et Marie Vassilieff. et les collages de Alicja Halick et les collages surranées qualifiées de "romances capitonnées" de Alicja Halicka.
Concrètement, la quasi totalité des oeuvres présentées ressortent au genre de la Figuration et de la représentation du corps fémimin par les artistes femmes dans un mimétisme miroir avec l'iconographie des artistes masculins, tant par le genre pictural que par les registres thématiques.
Et ce que les commissaires annoncent comme "les artistes d’un nouveau genre" doit s'entendre comme les artistes à l’avant-garde LGBT intervenant à une époque d'émancipation des femmes et de la libéralisation des moeurs.
Par ailleurs, la représentation de la femme s'effectue dans des écarts stylistiques très contrastés de la sylphide édulcorée de Marie Laurencin surnommée la nymphe d'Auteuil ("Femmes à la colombe") aux femmes pulpeuses aux courbes aérodynamiques Art déco de Tamara De Lempicka ("La belle Raphaela" retenue pour l'affiche) en passant par les solides gaillardes naturalistes de Suzanne Valadon (La femme aux bas blancs").
Les pionnières des Années Folles interviennent dans le genre du nu (Jacqueline Marval "L’Étrange Femme" - Marie Vassilieff "Nu au deux masques" - Emilie Charmy "Hania Routchine, nue" - Mela Muter "Cubist nude" et "Sitzender Akt mit Schtrumpfen" - Chana Orloff "Baigneuse accroupie") en s'affranchissant de l'idéalisation esthétique comme de l'érotisation masculine.
Egalement dans le genre du portrait, autoportrait, portrait d'anonymes et portraits de célébrités (la chanteuse "Suzy Solidor" par Tamara de Lempicka, "Mademoiselle Chanel" par Marie Laurencin) et le portrait de genre qui inclut les stéréotypes féminins de cette époque que sont la garçonne, l'amazone et la travestie synonyme de troisième genre qui se conjuguent avec l'illustration de la bisexualité et du saphisme (Tamara De Lempicka “Perspective” ou “Les deux amies”, Marie Laurencin ("Femmes à la colombe").
Et elles revisitent des sujets classiques tels les avatars du nu comme la baigneuse (Alice Bailly "Baigneuses aux oiseaux", Chana Orloff "Grande baigneuse accroupie") et la toilette (Marie Banchard "La Toilette") et celui de la maternité (Marie Banchard "Maternité", Chana Orkoff "Moi et mon fils", "Maternité couchée"et Mela Muter "Gipsy family").
Et bien sûr le devenu incontournable focus sur la diversité avec Suzanne Valadon ("Venus Noire"), Juliette Roche ("American Picnic") et la peinture naïve de la Tarsila Do Amaral affiliée au modernisme Brésilien
A noter :
à compter du 28 mars 2022, dans le cadre du
le programme d’éducation artistique et culturelle MOOC organisé par la Rmn-Grand Palais et en complément de la visite de l’exposition, en accès gratuit sur inscription à des cours en ligne
le documentaire "Un regard à soi - Les artistes pionnières des Années folles" réalisé par d'Anne-Solen Douguet d’après les travaux des commissaires avec une diffusion prévue sur France 5 le 1er avril 2022 puis en replay.
Et à voir en préambule à la visite :
un diaporama in situ de l'exposition "Pionnières"
le diaporama in situ des expositions :
"Peintres femmes, 1780-1830 - Naissance d'un combat" au Musée du Luxembourg en 2021 et la
visite en vidéo avec la commissaire Martine Lacas
"Femmes années 50. Au fil de l’abstraction, peinture et sculpture" au Musée Soulages en 2019
"elles@centrepompidou, artistes femmes dans les collections du Musée National d'Art Moderne" au Centre Pompidou en 2010
"Wack !: Art and the Feminist Revolution" au MOCA de Los Angeles en 2007
"Global Feminisms" au Brooklyn Museum.en 2007
en vidéo :
l'exposition "Fantastic Women. Surreal Worlds from Meret Oppenheim to
Frida Khalo" en 2020 au Schirn Muséum à Francfort
la visite commentée par la commissaire Christine Macel de l'exposition "Elles font l'abstraction" au Centre Pompidou en 2021 et la conférence "Les Femmes artistes et l'Abstraction"
l'exposition "Women Artists in Paris, 1850–1900" au Denver Art Museum en 2018.
la
conférence "L'art au Féminin - Ces artistes remarquables" par l'historienne d'art Haywon Forgione
le panorama "Elles font les avant-gardes (1910 - 1930)" par Karolina Ziebinska-Lewandowska, conservatrice au Centre Pompidou
l'exposition "Femmes peintres et salons au temps de Proust - De Madeleine Lemaire à Berthe Morisot" en 2010 au Musée Marmottan Monet
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