Fresque politique écrite par Léo Cohen-Paperman et Emilien Diard-Detoeuf, mise en scène de Léo Cohen-Paperman, avec Léonard Bourgeois-Taquet, Mathieu Metral et Hélène Rencurel.
La Compagnie des Animaux en Paradis s'est engagée dans l'ambitieux projet de dresser, sous forme sérielle intitulée "Huit rois (nos présidents)", la fresque politique de la Cinquième République illustrée par le portrait théâtral de ses présidents. Initiée par l'excellent "La Vie et la mort de J. Chirac, roi des français", elle se poursuit avec l'opus "Génération Mitterand" dont Léo Cohen-Paperman et Emilien Diard-Detoeuf ont conçu la partition qu'ils qualifient d'"autopsie tragi-comique des utopies d’une génération".
En effet, elle ne propose pas de portrait au sens premier du terme du président François Mitterrand, dont les surnoms, du fabuleux "Le Sphinx" au faussement "Tonton" davantage flingueur que comptine pour "enfant do", en passant par "le Prince des métamorphoses" révèlent la personnalité paradoxale d'un homme à l'ambition tenace, au passé comportant des épisodes troubles et au trajet politique à virages multiples par son sens de l'accommodement idéologique.
Mais une esquisse subjective par des personnages fictionnels considérés comme représentatifs de la génération des trentenaires flouée par ce conservateur de droite devenu le héraut d'une utopie libertaire de gauche, la queue de comète de celle des baby-boomers et aujourd'hui devenus des seniors macroniens et ce dans un registre héroïco-comique relatant leurs souvenirs autobiographiques en résonance avec des épisodes de la vie politique et présidentielle.
Et précisément, trois personnages qui, à l'instar de la majorité de leurs concitoyens en leur temps, et quel que soit leur degré de conscience politique, ont été grillés sur broche par la rouerie présidentielle largement consolidée par le publicitaire expert en communication qui avait déjà inventé le slogan de "La force tranquille" qui avait embobiné les électeurs du premier septennat, ceux de la pérenne "France grise" qui veut que tout change sans que rien ne change.
A savoir Jacques Seguela avec son concept marketing de "Génération Mitterrand", qui contribuera largement à la réélection de François Mitterrand, et qui de fait, sans le savoir quoi que, correspond à une réalité socio-politique celle de la génération"dindon de la farce" toutes origines sociales confondues.
Il en résulte un opus à la structure presque classique, en trois actes axés sur des moments politiques aussi révélateurs qu'emblématiques, la fin du printemps social, la montée du Front national avec le contre-feu de l'instrumentalisation de l'association SOS Racisme, et la construction de l'Europe.
Chacun est mené par un des trois protagonistes sinon idolâtres mitterrandiens du moins hypnotisés par le Kaa de l'Elysée qui, par ailleurs, ne partagent pas du tout les mêmes convictions qui constitue un prologue en forme de pugilat aussi lénifiant que représentatif de la situation actuelle en l'année 2022 d'élection présidentielle.
Dans une scénographie minimaliste d'Anne-Sophie Grac, quelques éléments de décor mobilier, et sous la direction de Léo Cohen-Paperman l'entreprise est rondement menée par Léonard Bourgeois-Taquet, Mathieu Metral et Hélène Rencurel qui interviennent efficacement avec une maîtrise frégolienne dans un jeu multi-rôles.
Celui des intervenants principaux appartenant en sus à la même sphère familiale, et respectivement, l'enseignant progressiste proto-woke, l'ouvrier communiste bas du front et la journaliste et féministe mouvance hystérique, de certaines figures connues tel Pei Ming, l'architecte de la Grande Pyramide du Louvre dans une hilarante séquence, et du président avec l'utilisation signifiante de la fameuse écharpe rouge.
Le spectacle à la belle sagacité s'avère une réussie déclinaison de la comédie du pouvoir et d'une moliéresque farce des dupes. |