Monologue dramatique d'après l'oeuvre éponyme de Fernando Pessoa, adaptation, mise en scène et interprétation par David Legras.
Après sa réussie prestation avec "A la recherche du temps perdu" pour transmettre son plaisir de la lecture de l'oeuvre de Marcel Proust et évoquer son univers, le comédien David Legras propose un opus monologal similaire pour l'écrivain et poète portugais Fernando Pessoa avec "Le Livre de l'intranquillité". Endossant une nouvelle fois le rôle du personnage-narrateur, il propose un florilège de cette suite de fragments dépourvue de construction littéraire, et publiée à titre posthume, qui se présente comme le pseudo-journal intime d'un des nombreux hétéronymes de Fernando Pessao. Nommé Bernardo Soares est un homme ordinaire et un modeste comptable atteint de mélancolie et du syndrome du vide de soi dont la lucidité exacerbée et la quête de sens l'amènent à juger sans aménité la médiocrité de sa vie à laquelle toutefois il ne tente pas de remédier en raison d'un déficit de volonté, au demeurant assumé . Ce qui, de surcroît, le voue à ressasser son "inexistence" au regard de paramètres paradoxaux tels le réel, la réalité et le rêve et de la problématique Etre/Penser/Agir ce qui génère l'état d'intranquillité et une terrible angoisse existentielle qui sont ceux de Pessoa dont la réflexion ontologique est irriguée, après Calderon, Shakespeare et Kierkegaard et avant Sartre et Camus, par le sensationnisme et l'existentialisme. Et cependant une réflexion qui n'est pas désespérée dès lors qu'elle est assortie d'une salvatrice résilience qui réside dans le pouvoir des mots, donc de l'écriture, et la transcendance artistique.
David Legras en livre une synthèse émérite dans une partition maîtrisée de haut vol entraînant l'auditoire dans une immersion philosophico-métaphysique relativement ardue judicieusement irisée de quelques rais de distanciation humoristique.
Dans une scénographie quasi expressionniste de Jacques Poix-Terrier un décor d'étriqué bureau-radeau avec le sol surélevé et incliné qui évoque également l'estrade du théâtre de tréteaux, David Legras, comédien aguerri, dispense une époustouflante prestation en érigeant le public - et simultanément - en confident du personnage et en complice de jeu.
Donc une réussite pour cette entreprise aussi ardue qu'hardie. |