Comédie dramatique de Tennessee Williams, mise en scène de Patrick Alluin, avec Sarah Cotten, Pablo Gallego, Léo Lebesgue et Agnès Valentin.
Belle réussite pour la Compagnie Mireno Théâtre fondée et dirigée par Patrick Alluin d'autant qu'elle a choisi un classique du théâtre américain, la comédie dramatique "La Ménagerie de verre" de Tennessee Williams qui s'avère un opus cumulant les difficultés. Ce, tant par sa structure, une suite de tableaux avec des inserts en en forme de flash-backs résultant de sa genèse d'avatar du scénario conçu d'après le texte d'une nouvelle autofictionnelle, que par sa nature, celle d'un récit rétrospectif d'un des protagonistes illustré de scènes dialoguées. Et, surtout, par les surabondantes didascalies de l'auteur qui encadre de manière détaillée son opus pour lequel il exclut tout réalisme psychologique et livre, en prologue, la clé de lecture directive le plaçant dans un registre anti-naturaliste qui serait celui du souvenir subjectivisé coloré de licence poétique. Un opus qui relate, dans l'Amérique des années 1930, un drame familial avec des personnages dont le dénominateur commun tient au ressassement d'illusions perdues, de rêves inaccomplis et de frustrations douloureuses. Tennessee Williams y procède à la description de cette(sa) famille qui serait aujourd'hui qualifiée de famille monoparentale dysfonctionnelle tout comme il cerne le comportement de chaque membre qui, face au traumatisme, développe une stratégie différente.
Celle de l'évitement, refuge dans un passé heureux fantasmé de jeune fille courtisée pour la mère qui ne s'est pas remise de son choix malheureux pour un galant qui l'a abandonné et dans un monde imaginaire pour la fille complexée par une boiterie et affectée d'une timidité devenue pathologique, et celle de la fuite programmée pour le fils, dans une reproduction du schéma paternel.
Patrick Alluin ne déroge pas à l'injonction dramaturgique introductive de la partition originale relative à la (re)présentation vérité sous le masque de l’illusion mais parvient à trouver l'espace de liberté qui existe toujours sous la contrainte pour négocier un juste équilibre entre la réalité factuelle et sa transfiguration par l'onirisme ou la retranscription mnésique, tout comme, notamment avec le jeu de lumières d'Eric Charansol, le dispositif scénique de Thierry Good.
Il dirige un quatuor de comédiens à la justesse de jeu émérite pour incarner des personnages fragiles comme les animaux en verre qui renvoient au titre de la pièce, lui-même en référence à la collection de la fille et leur violence intérieure qui pourrait les faire exploser, sans verser ni dans le mélodrame ni dans le numéro d'acteur.
Agnès Valentin, remarquable pour camper l'égocentrique névrosée et mère ambivalente imposant une emprise affective et un étouffant huis-clos à ses enfants preuves de son malheur, et Léo Lebesgue parfait dans le déchirement coupable entre le devoir et l'épanouissement personnel, dans des confrontations déchirantes.
Pablo Gallego convaincant en séduisant irlandais investi du rôle de prétendant désigné dont la dénégation va entraîner l'implosion familiale et Sarah Cotten à l'époustouflante incarnation de la jeune fille, délivrent magistralement la scéne symbolique de révélation.
Une superbe proposition au service de l'oeuvre de Tennessee Williams. |