"Chaque
note et chaque mot de cet album viennent du fond du cœur. Il ne faut pas
oublier que la musique, ce n’est pas une question de célébrité
et de gloire, mais avant tout d’émotions. Je crois que cela a en
fait été notre principal objectif sur cet album." Kelly
Jones, auteur-compositeur et chanteur de Stereophonics
Qui découvre les Stereophonics à travers leur
nouvel album, You Gotta Go There To Come Back conclue
rapidement, c’est à dire dès la deuxième chanson,
qu’il s’agit d’une énième découverte
style nouveau rock, avec sa pochette noir et blanc, depuis que les Strokes
et les White Stripes ont renouvelé le genre aux dires de
certains rock-critiques.
Que nenni ! Il faut remonter à l’année 1997, dans ces
temps d’insouciance où le rock’n’roll se résume
à une bataille médiatique entre Blur et Oasis,
et où les autres groupes jouissent d’un relatif calme du fait du
succès des musiques élecroniques type techno ou dance, pour retrouver
une trace écrite du groupe gallois. A cette époque, le groupe
n’a pas encore acquis une reconnaissance européenne, et s’évertue
à prouver leurs qualités musicales en multipliant les concerts
. Des scènes retirées dans les bars gallois (les Working men’s
club), le groupe prend une ampleur élargie en assurant dans tout le Royaume-Uni
les premières parties de groupes tels que les Manic Street Preachers,
The Who, et en Europe avec Supergrass.
Ce sont d’ailleurs ses prestations scéniques qui permettront au
groupe de décoller, plutôt que de rester enfermé dans la
catégorie des groupes de première partie. Et fin 1997, le groupe
prend son envol grâce à un concert à Cardiff. Signé
sur le tout récent label V2 –qui depuis a fait bien du chemin-,
le groupe sort son premier maxi "More life in a tramps vest"
et l’album Word Gets Around. L’album raconte, sur
fond de brit-pop très fine et d’une rare efficacité, les
difficiles réalités de la vie d’un petit village en plein
Pays de Galles. Ou comment puiser dans son vécu et ses propres émotions,
les accoucher sur le papier et en faire d’excellentes chansons.
Le groupe est surpris en pleine récidive en 1999 avec Performance
And Cocktails, où, même si les textes s’évadent
du pays natal, les chansons conservent leur efficacité originaire. Deux
albums consécutifs consacré par la critique britannique, cela
suffit aux oreilles du public nombreux pour en faire le nouveau fleuron de la
brit-pop alors que Oasis décline et que Blur s’efface.
L’album Juste Enough Eudcation To perform subira plusieurs
travers. D’abord, sa contraction J.E.E.P. doit être
abandonné suite à un litige avec Daimler-Chrystler. Ensuite le
groupe, dont l’existence n’est cependant pas remise en cause, est
restreint à Kelly Jones le chanteur, les autres s’étant
absentés pour des raisons familiales. Enfin, la critique cesse de l’encenser
et se veut plus exigeante. Pourtant le succès est au rendez-vous.
Dès lors, le groupe connaît pendant l’écriture de
You Gotta Get There And Come Back une pression inédite dans son processus
créatif. Il en ressort un compromis entre le pop-rock sombre des débuts
et la pop enjouée du dernier opus. Mais malheureusement ce compromis
n’est pas uniforme sur l’album, ce qui ne permet pas de le classer
au même niveau que les deux premiers.
En effet, certaines chansons sont victimes d’une excès de zèle
de Kelly Jones que l’on accuse de vouloir en faire trop. C’est la
cas pour le single "Maybe Tomorrow" , qui non seulement harcèle
l’auditeur sur les ondes mais en plus l’oblige à subir une
insupportable chorale de 'ououou' en fond sonore. C’est dommage car le
rapport entre la mélodie enjouée et la voie grave de K.J. n’est
pas dénué de sens, cette voie rauque et fatiguée qui s’adresse
à la mélodie pour la rassurer de sa possible sortie du trou. "Jealousy"
subit la même analyse.
En revanche, la production atteint des merveilles quand elle choisit la voix
de la simplicité. Ainsi, le choix du chœur sur "I’m
alright (you gotta go there to come back)" est d’une rare justesse,
et s’avère même indispensable tant il concentre toute l’intensité
émotionnelle.
D’autres chansons se rangent dans une case bien plus classique, avec
leur guitares grasses et leurs riffs bien ajustés, telle "Help
Me", malheureusement trop longue (près de 7 minutes qu’aucun
solo ou passage instrumental ne justifie) ; la très efficace "Madame
Helga" , proche de Black Rebel Motorcycle Club s’il
fallait comparer, avec une guitare exploitée dans sa totalité.
"Getaway" reprend le fil musical de l’album Just
Education To Perform, mais ici les mélodies quasi naïves de "Have
A Nice Day", le tube de l’album, laissent place à une
certaine lourdeur et humidité des sons qui fait bien ressortir le thème
de l’album, cet aléa de joie et de tristesse, d’épanouissement
et d’ennui. L’harmonica qui clôture la chanson est utilisé
à bonne escient.
L’album est donc plutôt ambitieux : il s’agit de prendre
la relève sur une brit-pop déclinante, comme le montrent les très
gallhageriens "Climbing the wall" et "You stole
my money honey", et les longues balades larmoyantes qui clôturent
l’album : "High as a ceiling" et "Since I
told you it’s over" .
Un album qui commence par un appel à l’aide, qui doit s’arrêter
à la dernière piste ("Since I tolfd you it’s over"),
qui questionne l’avenir pour mieux échapper au présent ("Maybe
tomorrow"), et envisage de franchir les obstacles de la solitude et
de l’ennui ("Climbing the wall"), pour finalement afficher
un certain optimisme : "I’m alright (you gotta go there to come
back)" qui se veut prévoyant.
Un peu comme si cet album voulait insuffler juste assez d’éducation
pour lutter contre les difficultés du quotidien. |