Qu’attendre du pianiste Emmanuel Borghi, membre émérite de Magma, Offering, One Shot ou encore d’Himiko ? Qu’il nous bouleverse, nous fasse tanguer, nous fasse partir vers un ailleurs. Un disque consensuel de sa part serait d’une tristesse. Haut les cœurs, ce disque enregistré avec le contrebassiste Théo Girard et le batteur Ariel Tessier est une belle réussite.

Emmanuel Borghi a profité de la fermeture des salles de concert, du ralentissement de la vie culturelle pendant la pandémie de Covid-19 pour ressortir des embryons de compositions qui traînaient depuis quelques années dans ses placards. Le moment était propice pour retravailler ces compositions et trouver la formation adéquate pour les jouer. La rencontre avec Théo Girard et le batteur Ariel Tessier a été également déterminante.

Au cœur de la musique du trio : l’exploration d’une écriture à l’approche dodécaphonique et une large part laissée à l’improvisation et à la découverte de l’interaction entre les différents musiciens.

On est traversé par ce disque. Naturellement, il ne nous traverse pas de manière transparente, silencieuse. Il le fait presque brutalement. On n’écoutera pas ce disque d’une manière détachée au risque de passer totalement à côté. Animal sauvage, il ne se laissera pas dompter par des oreilles distraites. Il nous traverse concrètement, et en cela nous transporte, nous transperce, nous bouscule. C’est une force, une dynamique, une profondeur de champs, une façon de travailler la matière sonore qui ne se délite jamais.

Plus on tire les fils de cette musique, plus on a l’impression de s’enfoncer dans une sorte d’abîme. Quelque chose qui nous submerge, nous interroge aussi et semble toujours prohiber toute remontée à la surface. Mais c’est jubilatoire.