Comédie dramatique écrite et mise en scène par Alexander Zeldin, avec Marie Christine Barrault, Thierry Bosc, Nicole Dogué, Annie Mercier, Karidja Touré, Catherine Vinatier, Nita Alonso, Flores Cardo, Francine Champlon, Michèle Kerneis, Dominique de Lapparent, Françoise Rémont, Marius Yelolo, Aliocha Delmotte, Hadrien Heaulmé, Mona et Ferdinand Redouloux.

Pendant à la pandémie, associé au mot "Covid", est apparu au grand jour un acronyme : "Ehpad", en langage courant "établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes". On ne souhaite à personne d'avoir un proche à visiter dans ces établissements, encore moins d'y finir soi-même ses jours.

Dans "Une mort dans la famille", le dramaturge britannique, Alexander Zeldin, est un des premiers - sinon le premier - à faire d'un ehpad le lieu principal d'un spectacle. Dès lors, on conseillera à ceux qui doivent, par nécessité familiale, fréquenter ces établissements, de bien mesurer leur envie de se replonger dans une reconstitution de ce qu'ils vivent en allant visiter leurs aînés.

Certes, quand on a surmonté, ou cru surmonter, son aversion pour ces lieux de privation d'humanité, on peut dire que l'auteur d'"Une mort dans la famille" s'en tire plus qu'honorablement et que ses acteurs, censés jouer les pensionnaires, ne sont jamais pris en délit d'exagération ou de cabotinage, qu'ils ou elles incarnent avec justesse des états de faiblesse assez comparables à ce dont on est témoin en allant régulièrement visiter un proche.

On se posera alors forcement la question de la nécessité d'un tel spectacle. Notamment, on y revient, en entendant parfois des rires - pour, on préfère le supposer, exorciser le malaise - quand, par exemple, l'un des résidents déambule nu dans la chambre de Marguerite (Marie-Christine Barrault). Au passage, on soulignera la qualité de son interprétation. Plus que ça d'ailleurs : que la chaste héroïne du "Genou de Claire", cinquante ans après, soit allongée sur un lit la poitrine nue pour que l'infirmière lui fasse sa toilette et que l'on ressente grâce à elle toute la vérité de l'ehpad, mérite qu'on lui tire son chapeau.

Mais "Une mort dans la famille" n'est pas que le long chemin parcouru par une vieille dame de sa maison à l'acceptation d'être reléguée dans ce lieu de privation d'intimité, voire de dignité. Alexander Zeldin a d'abord créé une famille frappée par un autre malheur, la mort du gendre de Marguerite, qui conduit Alice (Catherine Vinatier), sa fille, à perdre pareillement les pédales.

Coincé entre ces deux fils traumatisés par l'événement, devenus violents en accusant leur mère d'être responsable de l'accident, et sa mère fragilisée par l'âge, elle est conduite à abandonner celle-ci, faute de pouvoir s'en bien occuper.

Zeldin signifie qu'on est tous obligé par les circonstances, surtout quand elles sont aussi dramatiques que celle-ci, de choisir entre les êtres aimés et qu'évidemment on préférera toujours "abandonner" les plus vieux face aux plus jeunes. Dilemme épouvantable qui fait d'elle une chose pitoyable, que l'actrice sait parfaitement incarner.

Ce qui aurait pu n'être qu'un périlleux documentaire théâtral convaincra le spectateur le plus exigeant en lui montrant sans cruauté la partie la plus crue de l'humain. Une réussite et des parti-pris gagnants comme celui d'asseoir sur l'avant-scène une trentaine de spectateurs, d'accompagner les changements de décor d'un noir total ponctué d'un bruit sourd.

Alexandre Zeldin est un auteur-metteur en scène à suivre sans modération.