S’il y a une notion (hormis la virtuosité ou l’intelligence musicale) qui relie Johan Farjot le pianiste à Johan Farjot le compositeur, Johan Farjot le chef d’orchestre ou encore Johan Farjot l’arrangeur, c’est celle de plaisir.
Le plaisir au-delà des chapelles (tonales, atonales...), au-delà des modes ou esthétiques, lui qui a dépassé ces querelles d’une autre époque et qui assume ses influences : les minimalistes américains, Copland, l’école française comme Fauré ou Lili Boulanger, la musique pop et le jazz.
Le plaisir de transmettre des émotions, souvent fortes, le plaisir de jouer dans un lieu aimé et important (Le Bal Blomet) et le plaisir de jouer avec des ami(e)s. Et pas des moindres puisque l’on retrouve dans ce disque aux côtés du pianiste : Raphaël Imbert, Louis Sclavis, Hugo Lippi, Marion Rampal, Rosemary Standley, Hugh Coltman, Felipe Cabrera, l’Ensemble Saxo Voce...
Le programme brasse les époques, les genres mais il fait la part belle aux femmes, fortes, libres, engagées. Se croisent dans ce disque : Joni Mitchell ("Woodstock"), Mary Lou Williams ("Ode to Sainte Cécile"), Nina Simone ("If you knew"), Carla Bley ("Jesus Maria"), Jay Gorney & Yip Harburg ("Brother can you spare a dime"), John Stubblefield ("Baby Man"), Serge Gainsbourg ("Black trombone"), Alice Coltrane ("Journey in Satchidananda"), Duke Ellington, Juan Tizol & Irving Mills ("Caravan"), Moune de Rivel ("Prends Courage, oh !"), Don Redman ("Gee Baby, ain't I good to you") ou Meredith Monk ("Gotham Lullaby").
Ce Caravan, hymne au voyage donc, est un disque d’une grande élégance. Un disque généreux, multiple, pluriel, presque choral (mais sans perdre de sens), véritable corne d’abondance avec sa variété de timbres et de personnalités avec peut-être parfois cet aspect de religieuse au chocolat, avec sa richesse, son côté débordant. Une réflexion instrumentale, une inflexion riche en contrastes magnifiée par la finesse et la subtilité des interprétations et des arrangements. Un très beau disque.