Comédie de Jean Anouilh, mise en scène de David Legras, avec Camille Delpech, Valérie Français, David Legras (ou Jacques Poix Terrier), Drys Penthier, Emilien Raineau et Axel Stein-Kurdzielewiez. On n'a pas souvent l'occasion de voir ou de revoir des pièces de Jean Anouilh, dont la gloire fut immense pendant plus d'un demi-siècle (entre 1930 et 1990).
Si l'on a joué récemment "Colombe", on ne peut pas dire de même de "Léocadia", pourtant créée en 1939 avec Pierre Fresnay, Yvonne Printemps et Victor Boucher et dont la dernière adaptation remonte à 1994.
Appartenant à la première période de Jean Anouilh, "Leocadia", écrite en 1939 est rangée par l'auteur dans ses "pièces roses". C'est une sorte de conte de fée moderne que "la compagnie des Ballons Rouges" se propose de moderniser.
Amanda (Camille Delpech) est une jeune modiste qui vient de perdre son emploi. Elle arrive chez la duchesse d'Andinet d'Andaine (Valérie Français) qui l'a convoqué sans lui préciser ce qu'elle va devoir faire.
Dans cette grande propriété, Amanda découvre une ambiance bizarre, des personnages étranges comme le majordome de la duchesse (Axel Stein-Kudzielewiez) ou le "chauffeur de taxi" (Drys Penthier) dont le taxi, qu'elle voulait prendre pour quitter au plus vite les lieux qui ne lui disent rien qui vaille, est incapable de rouler. Elle sera encore plus étonnée quand elle rencontrera "le Prince" (Emilien Raineau), fils de la Duchesse. Elle comprendra alors pourquoi l'aristocrate farfelue souhaitait la recruter...
Si l'on ne connaît rien d'Anouilh, on constatera que "Léocadia" est une pièce bien écrite, au sujet original, et qui ne cherche pas, à la différence des comédies de Sacha Guitry, à enchaîner les mots d'auteur ni à multiplier les morceaux de bravoure. Cela lui nuit sans doute aujourd'hui : ses personnages parlent normalement et leur manière de s'exprimer n'a pas vieilli du tout.
Tout ici est au service du récit : le Prince vit dans un monde parallèle où il est amoureux d'un étoile qui illumine sa vie, la cantatrice Léocadia. Hélas, celle-ci n'est plus et la Duchesse fait tout pour qu'il ne le sache pas, quitte à lui fournir des sosies avec qui il va revivre les derniers jours de la jeune femme, avant sa disparition tragique. Anouilh s'est inspiré de la danseuse Isadora Duncan morte étranglée par son foulard qui s'est coincée dans une des roues de sa voiture de sport.
L'argument est peut-être un peu léger, mais les acteurs sont pleins d'allant, ne surchargent jamais et en ont en bouche un texte compréhensible de tous et jamais "daté".
David Legras qui assure à la fois la mise et en scène et la scénographie et interprète un Monsieur Loyal, un narrateur tout en élégance qui présente et conclut "Léocadia", a installé au centre de la scène un manège, dans lequel se trouvent le plus souvent les protagonistes. Cet élément qu'on actionne permet de donner du rythme à la pièce et rappelle qu'on est au cœur d'une fable, qu'il ne faut surtout pas croire qu'on est dans une pièce réaliste.
Tout au long de sa carrière, Anouilh a toujours préféré la fantaisie au sérieux. David Legras l'a bien compris. En transperçant les mystères qui règnent chez la Duchesse d'Andelet d'Andaine, Amanda tient les clés de son bonheur. Ironie de l'histoire, elle n'était venue que pour trouver un emploi.
Cette nouvelle version de "Leocadia", qui semble assez fidèle aux intentions de leur auteur , est une bonne reprise de contact avec l'univers poétique de Jean Anouilh. |