Spectacle marionnettique conçu et interprété par Pierre Dupont et Kristina Dementeva.
Pour l'inauguration du Festival Marto consacré aux spectacles de marionnettes sous toutes les formes, le Théâtre 71 de Malakoff a programmé "Petite galerie du déclin" de Pierre Duport et Kristina Dementeva.
Avec un titre comme celui-là, on se demandait s'il fallait y amener les enfants. La réponse est évidemment "oui". Car, même si l'on y parle vide, néant, fossile, rien et cosmos, les enfants, pour la plupart, ne sont plus en terrain inconnu, eux qui regardent tant de séries où le concept d'univers ou celui de vide stellaire a pris sens pour eux.
"Petite galerie du déclin" se divise en trois parties. La première réunit deux personnages qui paraissent s'inscrire naturellement dans un spectacle de marionnettes où chacun des marionnettistes manipule son personnage. En l'occurrence un petit singe pas forcément très courageux à la langue bien pendue et un paresseux aux longs bras et assez malin pour dominer son collègue petit singe...
Pierre Duport et Kristina Dementeva posent une première pièce métaphysique de leur puzzle : Toto le singe s'inquiète de vivre, le spectacle fini, dans une boîte qui a tout l'air d'un cercueil. Même s'il aime se vanter, il n'en mène pas large. Comme l'étonne la présence d'un public. Non décidément, ceux qui le manipulent ont derrière la tête une idée morbide et n'hésiteront pas à le laisser loin de son meilleur ami, ce paresseux sentencieux lui aussi peu habitué à la haute solitude.
Dans la seconde partie du triptyque, les choses se compliquent. Une hyène de taille presque réelle parle avec un ver de terre qui n'a pas renoncé à se transformer en bâton dans ce monde où les idées sont bien noires.
Les deux entités non humaines jouissent d'un peu de liberté, mais hors la table point de salut et le néant, le vide semblent les préoccuper tant et si bien qu'elle reste là, otages d'elles-mêmes. Le lombric le cache, mais on le devine, il n'aime rester inerte sous forme de bâton car il sait la hyène sans aucune possibilité d'être autre chose qu'une hyène, totalement inadaptée au monde d'après.
Quand survient la troisième métamorphose du spectacle, il ne s'agit plus de mort, d'infini vide mais de choisir entre redevenir poussière ou de préférer prendre forme éternelle en se fossilisant. Chacun des marionnettistes manipule un grand squelette de dinosaure qui rêve de re-nager dans les profondeurs des couches de sédiments successifs.
Entre l'effroi suscité par ces bêtes préhistoriques devenues des pantins squelettiques et leur dernier avatar possible, un avatar aussi poétique que métaphysique, celui d'être figé en fossile dans une boîte pour deux morceaux de chiffon ayant pris forme de bêtes rigolotes dont les marionnettistes s'amusaient à contrefaire les voix...
Tout le reste n'est qu'un long voyage dans l'imaginaire grâce à deux manipulateurs heureux de délirer... Au bout du conte, un voyage initiatique qui plaira aux parents et aux enfants, même si tout cela leur fait un peu peur.
"Petite galerie du déclin" sera pour eux le premier souvenir d'un spectacle où l'on s'amuse, où l'on réfléchit et où l'on comprend que s'amuser et réfléchir c'est aussi avoir ce frisson délicieux, celui que leur communique deux créateurs grâce à des bêtes inertes et inanimés dont ils ont fait leurs compagnons de jeux.
Un spectacle total d'une grande beauté et d'une vive intelligence au service des petits et des grands, unis dans le même rêve. |