Watch out. C'est "caliente"à tous les étages sur Torres de Electricidad, de Manta Ray.
Manta Ray, groupe illustre et inconnu, les deux doivent aller de pair. Ca défouraille sec chez les Hispingos. Une gorgée d'acide dans une trachée trop propre. Un peu de souffre dans un café sans sucre. Une grosse dose foutraque d'oxyde hispanique. Un sixième album hypnotisant.
L'actualité du rock espagnol, quelle est-elle, finalement, pour le rock-critic français lambda, que nous sommes tous un peu au bout du compte ? The Sunday Drivers, uh uh, Deluxe à la limite...
Une recherche rapide sur Google n'est pas d'une plus grande aide face au constat désarmant ; le rock hispanique est aussi rare qu'un oasis en plein Paris.
Et pourtant, Manta Ray se pose là, à l'écoute, comme un OVNI. Un Roswell atterri de nulle part, laissant des marques irradiées tout autour. Ca sent le sexe et les soirées au fond de bouges infâmes, intensités madrilènes ou réveils à deux sur la plage ensablée.
Torres de Electricidad dénonce les contraires, enfonce les préjugés. On peut - enfin - être espagnol, et oui, faire du rock sombre, à grands coups de guitares chamaniques. Comme Joy Division en son temps. Musique froide comme un corps passé de l'autre côté ("Anada para celia"), soutenue par une batterie lourde comme un être qui tombe. Boum boum.
Manta Ray, sur ce sixième album, refuse les aléas d'un groupe hispanique exerçant dans le rock. Refuse également de chanter en anglais, ou en gardant l'accent du pays, c'est important. Le plus déstabilisant reste le constat de la première écoute : Un groupe peut surprendre autrement que dans la langue de Paul Mc Cartney, réaliser des perles comme Morphine savait en faire ("Como la sal" et ses saxo klaxonnant) et faire la fête sur fond de mélodies mortuaires.
Résister à "Don't push me" ? Impossible. C'est toute la décadence rongée jusqu'à la moelle de Cheree ou Frankie Teardrop de Suicide qui remonte à la surface. Une musique que l'on pensait perdue à jamais. Frankie Frankie.
Paradoxalement, c'est également du côté de Noir Désir période Des visages des figures que l'oreille s'envole sur "El Despertar" et "Todo puede cambiar", avec solos andalous et rythmes arabisants. Un beau bras d'honneur à tous les naïfs qui pensait qu'Espagne rimait avec flamenco.
La voix filtrée comme un café serré n'arrange rien à l'histoire ; écouter Torres de Electricidad en 2006 ne vous aidera pas à aller mieux, ou peut-être si, mais par le bas. "No tropieces", et ses réminiscences Pixies, à la limite, tire plus sur le bleu ciel. Légère envolée avant la rechute de "Torres de Electricidad", longue aventure de 9 minutes clôturant l'album comme une chevauchée avec "Riders on the Storm" à la clef.
Ces espagnols roulent les "r" comme ils doivent rouler des mécaniques ibériques. |