Récit historico-fictionnel de Geoffrey Callènes et Antoine Guiraud dit par Geoffrey Callènes dans une mse en scène d'Antoine Guiraud.
Sur scène, tout annonce qu'on va assister à une conférence sur la plus grande catastrophe maritime du 19ème siècle, celle qui restera dans les esprits grâce au pinceau de Théodore Géricault qui en fera son chef d'œuvre, à l'image de James Cameron pour le Titanic.
Mais s'il y a une table et une chaise, et un livre bien visible sur la table, tout cela va vite valdinguer, emporté comme le spectateur par la puissance évocatrice du récitant ou plutôt du résistant, du revivant, du survivant, interprété "bigger than life"- dirait-on à Hollywood - par Geoffrey Callènes.
Dans le récit qu'il a coécrit avec son metteur en scène Antoine Guiraud, il a choisi de s'appeler Pierre-Laurent Costes, un jeune homme attiré par l'aventure et marin pour la première fois sur le vaisseau La Méduse à destination de Saint-Louis du Sénégal. Il aurait très bien pu s'appeler aussi Geoffrey Callènes tant celui vit et vibre à chaque mot qu'il prononce pour raconter son histoire.
Une histoire pleine de fureur, de sang et d'horreur où la folie des hommes et leur appétit de survie provoquent une tragédie d'une noirceur sans égale, mais où, parfois quelques-uns retrouvent quelques secondes d'humanité.
Ici, il ne faudra pas s'attendre à de l'héroïsme et à de belles pages enluminées à la gloire des hommes. Non, c'est à un éprouvant voyage au bout de la nuit que convie Geoffrey alias Paul Laurent.
D'abord, il a le physique de l'emploi : abondante barbe terminée à la mousquetaire, chemise blanche et court pantalon couvrant un peu plus que le genou et laissant apparaître le reste la jambe, et évidemment des pieds nus.
Il a la faconde et la gouaille, celle qu'il va utiliser pour pulvériser le récit officiel du naufrage et montrer comment les militaires et les marins tassés sur une espèce de radeau -qu'il n'appellera d'ailleurs jamais ainsi - sont escortés par des chaloupes (à moitié pleines) qui vont bien vite les abandonner à leur triste sort.
En ajoutant, un autre détail : les meilleures places, celle au centre de la "machine", seront occupés par les gradés. Paul-Laurent Costes comme ses camarades sera longtemps balloté à la périphérie du radeau, au risque de lâcher prise et de périr dans les flots. A la lutte des hommes contres les éléments s'ajoute ainsi une lutte sociale, une lutte des classes qu'on revivra aussi dans le Titanic.
Pas la peine de paraphraser le héros de "Les Secrets de la Méduse". Il n'a pas sa langue de la poche, sait être précis et peuple son récit avec les fantômes de ses compagnons d'infortune.
Remarquablement écrit et tout aussi remarquablement joué et mis en scène, cette évocation est une immersion totale du spectateur dans les eaux agités d'un océan où les requins guettent leurs proies.
Les deux compères, Geoffrey Callènes et Antoine Guiraud, ont ajouté une autre dimension à leur spectacle. Y rôde l'ombre immense d'un peintre de génie, Théodore Géricault, dont le tableau a tout jamais fait de ce fait divers maritime une épopée universelle. On ne dévoilera comment il intervient, mais il contribue largement à donner à ces "Secrets de la Méduse" une force supérieure à l'anecdote.
On prédit à ce radeau de malheur, ressuscité à la perfection par Geoffrey Callènes et Antoine Guiraud, une longue carrière sur des planches plus stables que celles qui engloutirent pas loin de deux cents personnes au profil voisin de celui de Paul-Laurent Costes, dont il est bon de rappeler qu'ils subirent de la part des séides du roi Louis XVIII un destin injuste et cruel. |