Comédie burlesque d'après l'oeuve éponyme de Pierre Notte mise en scène de Marylin Pape, avec Eulalie Delpierre et Marilyn Pape.
Quelque part entre Beckett et... Pierre Notte.
Sur une estrade, où il y a deux chaises dont l'une est occupée par une grosse vieille dame pas du tout apprêtée dans ses sous vêtements blancs défraichis, arrive une seconde dame âgée, presque semblable à la première, qui s'assoit sur la seconde chaise, celle, bien sûr, qui est inoccupée.
Dès lors, pendant une heure, les deux femmes vont attendre qu'il se passe quelque chose. Mais, comme elles disent, "il n'y a personne" et, sans trahir le suspense : il ne se passera rien...
Ou plutôt non. Car, comme on le sait, quand il ne se passe rien, il peut se passer des tas de choses... A commencer par une discussion qui donne quelques précisions sur des personnages définis d'emblée seulement par leur apparence. On n'en dira pas davantage sauf que l'une, si l'on en croit ses dires, était actrice et l'autre danseuse...
On pourra aussi révéler qu'elles ne se feront pas fête au départ et qu'elles finiront pourtant par bien s'entendre, ou tout au moins bien se comprendre, entre celle qui a l'air d'avoir été toujours là et l'autre, qui d'après la première, est la "remplaçante" d'une lignée de "remplaçantes".
Pièce absurde, évidemment. Mais aussi critique du monde de demain, celui qui est mitoyen de celui d'aujourd'hui. Un monde où on va encore plus loin dans les interdits, où les animaux se font encore plus rares, au point que l'espérance d'un moucheron peut peupler un long moment d'attente.
Créées il y a 7 ans, par Catherine Hiégel et Tania Torrens, les deux vieilles femmes de Pierre Notte ont aussi quelque chose de la femme assise de Copi. Elles ne sont pas totalement tragiques et par moments, sans le vouloir forcément, dispensent une pincée de comique.
Et devant ces deux tragédiennes du néant qui ne se ménagent pas dans leurs mots pas plus que dans leurs corps, on se surprend à rire. On a soudain une pensée parasite qu'il faut dire, même si d'autres ne le diraient pas : il y a quelque chose des "Vamps" quand elles n'avaient pas encore mué en "Bodin's".
Et cette référence ne nuit pas au spectacle de Pierre Notte. Au contraire. Dans cette version de ce qui est déjà un "classique" dans son œuvre, les deux comédiennes osent s'approcher d'un théâtre elliptique peut-être, mais aussi vraiment populaire.
Eulalie Delpierre et Marilyn Pape, par ailleurs metteuse en scène, s'immergent au plus profond du texte de Pierre Notte. Elles apportent à cette "Nostalgie des blattes" quelque chose de vraiment humain, lui ôte toute tentation théorique.
Alors, au final, on est submergé par l'émotion quand surgit une chanson crépusculaire de Serge Reggiani, une chanson ultime de son ultime album. Elle s'intègre parfaitement dans cet univers où l'on confirme que la vieillesse est un naufrage, et que la seule solution pour ses femmes courageuses dans l'immobilité est, tant que leurs vieilles jambes le leur permettent, est de pratiquer la politique de la chaise vide...