Que celui qui n'a jamais rêvé d'un album uniquement fait de titres au niveau de Fake plastic trees chanté par un Thom Yorke sous acides quitte la pièce. Ou meurt sur le champ. Shearwater, nom d'oiseau un peu perché pour une musique belle, belle, belle…
.Signe qui ne trompe que rarement, la pochette de Palo Santo est magnifique, ténébreuse, abstraite. Puisant dans les méandres de l'Amérique perdue entre le Wyoming et Yellowstone. Superbe, des l'introduction de l'objet dans la fente…
Quatrième album et regain d'intérêt pour l'Americana alternative, qui recommence cahin-caha à retrouver ses titres de noblesse, avec des groupes comme The Strugglers, Clem Snide, The Devastations ou Shearwater, justement. Exit Tindersticks. Bonjour jeunesse.
Inévitablement, "La dame et la licorne", premier titre d'une longue série, devient indispensable à la première écoute. Oui, le grain de voix de Jonathan Meiburg rappelle celui de Mark Hollis de Talk Talk, et ses consonances 80' , sans paraître pour autant démodé. Mais réduire Shearwater à sa voix serait bien sur absurde. Palo Santo, c'est avant tout la pêche aux influences, d'Arcad Fire et ses batteries sanguines ("Red sea, black sea") à Robert Plant et ses échos filtrés (Ont-ils le même micro ?), ou bien encore Radiohead, sa fragilité et sa douce folie….
L'Americana, qu'est-ce vraiment au fond, si ce n'est cet espoir tragique chanté en anglais, subtil mélange de piano et de hautbois, de violons discrets et de guitares languissantes, de grandes plages instrumentales soutenues par une électrique Hendrixienne ("White waves") ?
Shearwater semble avoir bien appris sa leçon. Sheawater fait pleurer au premier coup d'œil. On peut lire ça et là que le groupe s'inspire de Nick Drake. Conneries que ceci. Sans renier leurs influences personnelles, les membres de Shearwater tracent leurs routes en construisant eux-mêmes leur chemin, prétexte à de jolies promenades funestes ("Palo Santo") évoquant le "I will" de Radiohead et ses chœurs macabres.
Piano magique sur "Seventy four, seventy five", entre un Keane qui aurait gobé moult amphés et Can pour son chanteur emporté par la démesure de son chant hors de la stratosphère. On sent la rage, l'envie et la hargne sur chacune des notes égrenées, comme si c'était l'ultime. Pourra-t-on entendre quelque chose de mieux cette année, venant des Amériques ?
On aimerait dire non. Pour préserver encore un peu ce souvenir, prolonger le moment quelques secondes encore, et le bonheur d'écrire sur un groupe qu'on espère mythique un jour.
En attendant, l'auditeur se repassera encore "Sing, little birdie", ses trombones mariachis et son piano pastoral sans doute inspirés par "Dayslepper" de REM, autre groupe en son temps novateur. |