Entre eux, sous le manteau, plutôt le débardeur vu la saison, les festivaliers en parlent à mots couverts, comme un secret de polichinelle, un secret connu de tous. L'un, l'air mystérieux :"Tu y vas à Benicassim cette année ?", l'autre plus nonchalant : "Oui. Comme chaque année. Trois fois que tu me demandes déjà."

L'ambiance est ainsi à Benicassim, le FIB (Festival International de Benicassim) pour les puristes), on s'y rend comme en pèlerinage, serviette et cigarettes sur l'épaule, affrontant le soleil et la sueur, pour danser trois nuits durant sur le meilleur de la musique actuelle, pop-rock j'entends.

Ramener des souvenirs, une fille sous le bras, kidnappée pour l'occasion, des photos en train de monter sa tente sous un soleil apocalyptique, un peu du sable fin des après-midi à rêvasser sur la plage jamais très loin. Du bonheur en barre et des rayons de Fender étincelant dans les yeux pendant 3 jours, 5 si vous assistez à la soirée d'ouverture avec les Scissor Sisters et celle de clôture avec Miss Kittin sur la plage.

Après les déboires de l'édition 2005, marquée par le retour des dinosaures ankylosés (Yo La Tengo, Cure, Dinosaur Jr, tous ces paraplégiques désaccordés), place à la jeunesse pour l'année 2006, avec du mainstream fort logique (Pixies, The Strokes, Franz Ferdinand, Placebo) mais également de réels choix artistiques et des vrais come-back, tel que le toujours très sexy Morrissey, les jamais vieux Depeche Mode et les Echo & the Bunnymen. Ray-Ban de rigueur.

Et surtout des seconds couteaux tranchant comme un coup de soleil mal protégé, comprendre par là une EXCELLENTE programmation alternative pour tous les goûts et toutes les langues, résultat d'un retour au défrichage sonore. Comment expliquer autrement la présence en 2006 des électroniques James Holden, Nathan Fake, Tiga, les excellents Justice et 2 many Djs, des poètes Rufus Wainwright, Venus, dEUS et Yann Tiersen, et le rock qui survivra encore cette année avec Archive, Art Brut, Editors, Calla, Dionysos ou encore le slow-wave chouchou du public espagnol, Jay Jay Johanson.

Le FIB, c'est en quelque sorte une amourette estivale, la rencontre avec une inconnue et les premiers flirts de l'adolescence insouciante. Une belle histoire agrémentée de rencontres improbables (Les fameux "Do you want pills" fusant de toutes parts, çà et là, sur le festival) qui prolongent le décalage et les nuits blanches. Des nuits blanches agrémentées d'excellents groupes espagnols cette année, avec notamment le jazz tortueux des 12 Twelve et le rock dark de Manta Ray, sans oublier la gentillesse naïve (un brin chiante en vrai) des Sunday Drivers. Et puis, pourquoi pas, se laisser prendre au jeu improbable des Poni Hoax, LA révélation du rock français, présente cette année à Benicassim.

Autant de raisons de sombrer et de capituler pendant cette semaine, du 20 au 24 juillet, comme si le festivalier dessinait une parenthèse dans le sable mouillé, en attendant le retour des vagues.

Vos parents vous assomment avec leurs souvenirs Baba 60' enfumés (Du genre "Woodstock c'était incroyable, si tu avais été la pour voir Crosby Stills, Santana et Jimmy") et vous voulez prendre votre revanche, faire chier vos enfants avec vos propres souvenirs ("Tu sais petit, j'étais à Benicassim, j'ai vu le soleil se lever sur le show de Depeche Mode, et Pete Doherty vomissait sur une fille à moitié nue") ? Rejoignez le clan des amoureux solidaires. Adhérez au parti.