Il y a toujours quelque chose d'amusant à aller chercher dans la préhistoire de la musique. Retrouver les premiers EPs d'un groupe devenu grand, les premières signatures d'un label devenu mythique. Mais il y a quelque chose de tout à fait excitant à vivre cette préhistoire en direct, avec la conscience que ce qui s'invente sous nos yeux, l'air de rien, sans trop de bruit encore, pourrait bien faire date.

C'est à ce type de naissance que l'on pourrait bien être en train d'assister, et doublement, avec la toute première production du très jeune label parisien Distile Records : le premier EP du trio Looking for John G, lui aussi parisien. Rosse. Du verbe "rosser", signifiant : "briser la tronche". C'est d'ailleurs à un pilonnage facial en règle que se livre le groupe, qui délivre, avec une allégresse perceptible et communicative, un rock à la limite du hard-core le plus intelligent - c'est-à-dire subtil, malgré la débauche d'énergie déployée.

Après une intro en plusieurs temps, comprenant quelques lignes de chant où l'on pourra entendre la douceur folk et fragile d'un chant qui relève de l'imitation parfaite de Will Oldham, "Axis of love", le titre d'ouverture, trébuche dans sa propre fureur. Rosse est lancé, et ne s'arrêtera plus. Si ce n'est, à la rigueur, pour reprendre son souffle, avant de se jeter à nouveau, tête baissée, dans la mêlée. Comme à l'aveugle, les Looking for John G déboulent dans une musique tendue et épaisse, rageuse, complexe, dense. Dans la gueule.

Ici, l'évidence de la saturation répond à l'éloignement constant de la voix - comme si l'on avait décidé de délaisser le micro pour s'obliger à se faire entendre par ses propres moyens. Arrangement des plus intelligents, qui semble favoriser l'interprétation toujours très convaincante du bassiste-chanteur et donne à la musique des Looking for John G une sonorité bien particulière, lui ajoutant un soupçon d'une étrangeté quelque peu dérangeante. Le dispositif se révèle ainsi d'une pertinence remarquable quand viennent les imprécations de "Sounds like Inverness", l'avant-dernier titre.

Avec une certaine virtuosité, qui n'est jamais mise au service d'une simple démonstration technique, quoiqu'elle soit sollicitée par le jeu survolté et exigent des trois musiciens, les Looking for John G confirment donc sur cette première pièce officielle de leur discographie ce que l'on avait pu retenir de leurs essais et démos. Leur volonté de ne pas discuter, de ne pas finasser, mais de rentrer tout droit dans le vif du sujet, immédiatement au cœur de l'action ; leur capacité à imposer à la scène française un tempo endiablé, des sonorités âpres, qui rappelleront très heureusement A day in black and white, formation légendaire dont notre trio a déjà assuré des premières parties de concert.

Distile Records s'offre ainsi un bien joli début, le radicalisme musical faisant oublier la modestie de l'entreprise d'un simple EP. Le soin apporté à l'objet lui-même (artwork original de Fabrice Montignier, pochette cartonnée), tout à fait appréciable de la part d'un si jeune label, est d'ailleurs en cela déjà une indication très prometteuse. A suivre - comme on dirait "à surveiller".