Dans "Tragique Academy" d'Antoine Seguin, actuellement à l'affiche de la Comédie de Paris, le beau gosse qui joue le gigolo aux fiers biscottos-petit cerveau fan d'Elvis c'est Lorenzo Salvaggio qui porte uassi bien la pelisse de Hun d'Opérette que le costume rose strassé.

Un comédien qui suit son petit bonhomme de chemin avec générosité.

La comédie c'est depuis toujours ?

Lorenzo Salvaggio : Au départ, c'était un hobby. J'ai fait du théâtre en amateur à l'âge de 15-16 ans et c'est devenu une passion parce que je me suis retrouvé à jouer dans les années 80 à l'époque du "théâtre action", une forme politico-théâtrale qui revendiquait à travers le théâtre, en Belgique où je suis né bien que d'origine italienne, dans un spectacle qui a très bien marché "Une ville au bord de l'amer". Cette pièce racontait le malaise des jeunes dans une région sidérurgique, celle du bassin liégeois, qui était un peu les prémisses de ce qu'on connaît maintenant avec le malaise des banlieues.

Ensuite, j'ai été aspiré dans la spirale du théâtre. Je suis rentré dans une école d'art dramatique l'IAD en périphérie de Bruxelles. Tout s'est ensuite enchaîné. J'ai suivi des cours d'escrime de théâtre car j'aimais beaucoup cette discipline. J'ai également suivi des cours de commedia dell'arte avec les masques du fait de mes origines.

De la Belgique à la France ensuite ? Un pays trop petit pour vous, une envie de nouvelles expériences ou un autre concours de circonstances ?

Lorenzo Salvaggio : Une raison purement privée : une heureuse rencontre amoureuse. Et je me suis installé en Touraine où j'ai fondé une famille et où j'ai commencé à travailler. J'ai tout quitté et il est vrai que quand on est loin des yeux on est loin du cœur et on vous oublie vite même si on conserve des amis là-bas. Mais j'avais fait un choix.

S'intégrer dans le milieu théâtral français a été difficile ?

Lorenzo Salvaggio : J'ai pris mon courage à deux mains. Car la Belgique est comme un village a côté de la France et il ne régnait pas la médiatisation absolue de Paris. On acquiert vite une petite notoriété et ensuite il est relativement facile de travailler. De plus je fais partie des gens qui ne croient absolument pas au hasard et j'ai frappé aux portes. J'ai commencé à travailler au sein de la Compagnie de l'Ante et au sein de la Ligue d'improvisation de Touraine.

C'est d'ailleurs par l'improvisation que tout a commencé. Dans cette équipe a monté un "Dom Juan" pour des représentations dans les châteaux de la Loire et voilà mes débuts en France. En 1996 et 1998 nous sommes montés à Paris pour les championnats d'impro. Cela m'a permis de rencontrer plein de gens dont Yvan Garouel qui joue dans "Tragique Academy". Et les choses viennent ainsi naturellement.

Il y a un proverbe de chez nous qui dit "Chi va piano va sano e lontano" et je l'applique. Je ne brûle pas les étapes. Parmi les rencontres il y a notamment celle de Jean-Denis Laval, le directeur du Théâtre Montansier de Versailles, qui a pris la relève de Francis Perrin ce qui m'a donné l'occasion de travailler avec pas mal des comédiens de "Tragique Academy". Nous nous sommes tous retrouvés en 1998 à Avignon où je jouais "Kamikaze impro" un spectacle d'improvisation qui avait été créé par Jean-Daniel Laval et Eric Métayer et le même soir se jouait le spectacle qu'il avait mis en scène avec Antoine Seguin et Elrik Thomas.

Quand il a accepté la direction du Théâtre Montansier, il y a emmené son équipe. Et depuis je joue au sein de cette troupe dont le dernier spectacle était "Le chapeau de paille d'Italie", soit 6 saisons et une vingtaine de spectacles dans tous les registres. Alors ce n'est pas une troupe au plan formel puisqu'aucun théâtre n'a les moyens d'entretenir une troupe mais nous formons néanmoins une troupe, qui s'appelle la Compagnie de la Reine car nous n'osions pas être celle du Roi, et les versaillais ne s'y sont pas trompés.

Nous sommes entré en résidence au Théâtre Montansier par le biais du festival Molière pour lequel nous avons joué "Georges Dandin" et "Les précieuses ridicules" sans aucun moyen. Nous faisions tout et jouions avec rien comme des saltimbanques. Cela avait stupéfait les versaillais et séduit Etienne Pinte, le député-maire de Versailles.

Et avec cette maxime, vous avez toujours travaillé ?

Lorenzo Salvaggio : Oui. Je suis arrivé en France en 1992 et depuis 1993 je n'ai pas arrêté.

Et donc plutôt en province et en région parisienne. Avec "Tragique academy", avez-vous envie de travailler davantage à Paris?

Lorenzo Salvaggio : Je vais d'abord continuer à exercer mon métier. Paris n'est pas une fin en soi. Pour certains c'est une consécration, pour moi c'est un passage. C'est la 1ère fois que je joue à Paris une pièce pendant près de 100 représentations. Et nous en sommes contents, compte tenu de la conjoncture actuelle. C'est vrai que Paris est une belle vitrine et une vraie plaque tournante.

Cela étant, je n'ai pas eu besoin de Paris pour travailler et je pense que je travaillerai encore après Paris. L'essentiel est de faire mon métier sur une scène devant des gens et de m'exprimer à travers l'art que je peux travailler en direct, face au public, qu'il aime ou qu'il n'aime pas. La rencontre et le travail avec les gens voilà ce qui m'intéresse.

Si demain un réalisateur me dit que je suis la révélation de l'année, je ne vais pas refuser. Notre métier c'est de jouer. Ensuite les moyens pour y parvenir sont divers. Et le star system n'est pas forcément ce qu'il y a de mieux. Donc je ne l'es envie pas.

Antoine Seguin nous a dit qu'il avait écrit son spectacle en fonction des comédiens qu'il voulait et de leurs compétences. Pour le coup vous êtes servi puisque vous commencez en hun d'opérette en fourrure pour finir en Elvis avec banane et pantalon rose. Donc plusieurs rôles dans une même pièce c'est du bonheur?

Lorenzo Salvaggio : Oui et jouer plusieurs rôles est un peu une constante dans tous les spectacles montés par la Compagnie de la Reine car nous n 'avions pas les moyens d'avoir autant de comédiens que de rôles. Par exemple dans "Dom Juan" avec de manière inattendue Antoine Seguin en Dom Juan, qui jouait sur l'espièglerie, et Elrik Thomas en Sganarelle, j'étais Dom Luis, le commandeur, La Violette, bref je jouais 5 personnages. Donc cela ne me pose pas de problèmes.

Et puis ma formation de commedia dell'arte me permet de changer très rapidement de personnage et de me grimer. Ce qui est aussi une des raisons pour laquelle j'ai choisi ce métier. Ce métier implique une transformation intellectuelle, parce que le personnage prend le pas sur le comédien qui le nourrit, et physique. J'adore me grimer. C'est la raison aussi pour laquelle j'aime beaucoup le cinéma qui permet encore davantage cette transformation physique comme Jean Marais par exemple.

Dans "Tragique academy", le personnage est un peu limité intellectuellement, un peu ringard, fan d'Elvis Presley. On l'imagine bien au volant d'une Cadillac rose avec une moumoute sur le volant. C 'est un personnage haut en couleurs. Et contrairement à ce qu'ont dit certains journalistes, il n'est pas caricatural. Il ressemble à de vrais gens.

Comme vous avez beaucoup fait d'improvisation, êtes-vous tenté d'en faire dans "Tragique academy" ?

Lorenzo Salvaggio : C'est bien écrit et de telle façon qu'il n'y a pas besoin d'improviser. Antoine Seguin a le sens de la rythmique comique. Et puis il y a aussi du non sens dans sa pièce. Mais dans d'autres spectacles, oui nous faisions de l'impro surtout quand le public marchait dans ce sens et que nous partions alors en vrille. C'est aussi ça qui a fait notre réputation, c'était de casser le 4 ème mur, celui qui sépare le comédien du public.

A ce moment on peut se le permettre mais il est très court. Il nous est parfois arrivé de réécrire le spectacle avec le spectateurs. Il y a eu "Les fourberies de Scapin" qui ont duré presque 4 heures ! C'est du spectacle vivant ! Nous aimons cela bien sûr mais aussi la rigueur comme par exemple avec "Les caprices de Marianne" de Musset qui ne se prête pas à l'improvisation.

Où pourront vous retrouver ceux qui veulent vous voir ou vous revoir après "Tragique academy" ?

Lorenzo Salvaggio : Mi-septembre, je vais participer à un spectacle bilingue, en français et en italien, sur la vie de Leonard de Vinci qui se déroulera au Château du Clos de Lucé qui fût sa dernière demeure. Je suis bilingue donc cela ne me pose pas de difficultés et on compte également sur mes facultés d'improvisation puisque le spectacle comportera des parties un peu interactives avec le public.

Et puis un retour aux sources très certainement au Théâtre Montansier et sûrement avec la Ligue d'improvisation de Touraine. J'ai aussi des projets pour le Canada en 2007 avec l'impro toujours. Et puis tout ce qui m'arrivera et que je connais pas encore !