Le Musée d’Orsay propose une très jolie exposition sur Maurice Denis, un des fondateurs du groupe des Nabis. Les nabis, "prophètes" en hébreu, petit groupe d’artistes dont Denis est le principal théoricien en peinture.
Le mouvement, crée en 1888, avec entre autres Bonnard et Vuillard comme compagnons de route, revendique un art simplifié, prenant Gauguin pour modèle. Les couleurs sont posées en aplat, avec une absence de perspective, il n’y a pas de profondeur dans le paysage mais de belles surfaces décoratives.
"Se servir de la nature sans perdre de vue l’objet essentiel de la peinture, qui est l’expression, l’émotion, la délectation" disait Maurice Denis. Connu de son vivant, il mourra en 1943 à 73 ans, laissant de nombreuses toiles et oeuvres décoratives. Il a notamment décoré la coupole du Théâtre des Champs-Élysées en 1912 et la Société des Nations à Genève dans les années 20.
L’exposition présente environ une centaine de tableaux et des panneaux décoratifs d’une grande beauté.
Les formes sont très épurées, sobres. Des jeunes femmes à la peau claire au "Portrait de famille" peint en 1902, Denis est inspiré par Marthe et des enfants qu’elle lui donne. Le couple convole en 1893. Elle, mourra en 1919 des suites d’une longue et douloureuse maladie. Lui, se remariera avec Elisabeth, sa seconde épouse, en 1922.
Marthe est sa première épouse et surtout, sa muse. C’est d’elle que s’inspire Denis quand il peint ses jeunes filles. Les formes de ces corps presque virginaux ne sont que distinguées, suggérées. Le vert, le rose et le bleu dominent et, laissent à la lumière, le pâle de la peau de ces jeunes filles aux yeux clairs. La toile est un élément de l’œuvre et pas seulement le support. C’est précieux.
Les thèmes bibliques l’inspirent autant que les jeunes femmes. Le peintre associe des éléments du religieux et de sa famille comme pour "Jésus chez Marthe et Marie" peint en 1896. Pour le catholique qu’est Maurice Denis, la peinture est par essence "symboliste et chrétienne". Il décora plusieurs chapelles, dont celle de son propre prieuré de Saint-Germain-en-Laye. Le thème en est Sainte Marthe…
La deuxième partie de son oeuvre est marquée par un renouveau classique. Il laisse paraître un mélange d’antiquité et de moderne et un intérêt particulier aux effets de lumière. Les années 1920 sont celles de ses voyages en Italie. Il y a toujours l’association du bleu et du rose. Ces couleurs ont accompagné l’artiste tout au long de sa carrière. Il peint des grâces, des baigneuses, les plages. "Toute œuvre d’art [est] une transposition, une caricature, l’équivalent passionné d’une sensation reçue"…et le visiteur ressent.
La dernière partie de l’exposition donne la part belle aux arts décoratifs : des paravents aux teintes pâles où dominent, à nouveau, le rose et le vert, une frise pour la chambre de Marthe dans les tons bleus foncés. Le peintre travaille sur commande. Les riches mécènes sont parfois russes, parfois français. "La chasse de Saint-Hubert", commandée par le baron Denys Cochin est achevée en 1897. Les sept panneaux sont présentés, ici, en arc de cercle.
"L’Histoire de Psyché" n’a pas été revue en France depuis 1908. Denis l’avait alors exposée au Salon d’Automne. Les panneaux, normalement séparés entre le musée Pouchkine de Moscou et l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, sont rassemblés et l’Histoire complète. Psyché accède à l’immortalité par la grâce de l’amour.
C’est la première rétrospective du "Nabi aux Belles icônes" depuis celles de 1970 à Paris et 1994 à Lyon. Une nouvelle découverte pour ceux qui ont vu les expositions, plus récentes, des autres nabis. Une découverte à ne pas manquer tant c’est beau.
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