Ca commence par une pluie de cordes lancinantes, frêles et diaphanes pour s’envelopper dans des arpèges graves de guitare classique que ponctue un chant tout en langueur à la fois chaleureuse et glaciale.
On s’y sent à l’aise, sur une peau d’ours moelleuse, mais toujours dans une menace latente de se retrouver face au chasseur qui l’aura descendu sans première sommation, peur que l’on subisse le même traitement.
On se sent auditeur et acteur de ces longs chapitres éthérés au cours desquels le songwriting pragmatique et terrien de Jullian Angel rencontrera les arrangements les plus fouillés possibles - on pensera souvent à Sigur Ros, toujours sur la corde de la béatitude. On sent que celui-là aura eu à cœur de transformer la fatalité et beauté métaphysique. Et on sait aussi d’emblée qu’il aura tenu son pari.
Fermement blotti dans des constellations d’e-bow intergalactiques et de notes égrainées et saupoudrées d’une reverb digne d’un Red House Painters pour mieux souligner l’emphase et le lyrisme d’une musique dont on se délecte mieux au cœur de la nuit.
Mais parfois la pop regagne sa place d’honneur et évoque le meilleur de REM ou Richard Buckner ("Born on the seventh day", "Mystic friend") et on croit avoir affaire à des allégories bibliques quand on est en fait en présence d’une sorte d’auto-mythe, quand on transforme sa propre vie en peplum duquel on souhaite se tirer indemne pour pouvoir conter ses exploits à ses petits enfants. Et puis à d’autres moments l’urgence de la narration prend le dessus et envahit le spectre sonore d’imprécations aussi désabusées que lucides que l’on imagine dirigées vers des amis précieux, idéalisés, mais finalement démystifiés ("Fragmented life").
Mais c’est bien souvent la grâce pure qui auréole Life was the answer. Pour exemple, on peut citer le magnifique "Some dead survive", sur laquelle on croise la sublime voix d’Half Asleep. Un subtil va-et-vient narratif dans lequel on s’imagine bien regarder le dialogue entre une femme esseulée et son mari revenant de plusieurs années de front, égratigné par la folie humaine, bouffés par l’empathie, mais gangrenés par l’incompréhension mutuelle et les remords. Autant de métaphores dans lesquelles chacun pourra trouver son lot de déjà-vu, cette obsédante sensation….
On touche enfin au chef d’œuvre absolu dans la magie de "Checking your soul" dans laquelle l’âme humaine est comparée à un vulgaire contrôle technique automobile que certains, suivez mon regard, feraient bien d’effectuer plus régulièrement pour pouvoir un jour reposer en paix sans craintes de représailles ultimes. Ici les arrangements accentuent la portée magnétique du jeu de guitare saisissant à la Nick Drake alors que des voix de l’au-delà résonnent en canons pour laisser place au silence salvateur.
La mélancolie latente n’est ici pas qu’un prétexte mais presque un art de vivre que les fans de Low ne pourront que vénérer ou mieux dans lequel ils pourront se blottir, comme dans les bras d’une mère aimante qui trouvera les gestes qui apaiseront le chaos infernal d’une vie intérieure parfois brutale.
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