Mine de rien, le rock français se porte bien, du moins artistiquement, et recommence à crépiter comme du cornflake dans un shaker lorsqu’on passe la porte de Bagnolet.
The Cornflakes Heroes, originaires de Caen, justement, semblent héroïques, en sortant ce premier méfait qui brouille les cartes d’identités, arrondis et les angles et les mélodies.
Rencontre entre James Bond et Bortek de Jad Wio, "Silly boys are untrue" marque la distance avec la concurrence, et introduit parfaitement aux univers des Cornflakes. Un mélange de psychédélisme et de réalité dure du collier, utilisation hardcore des guitares et pratique douce de la mélodie portée par le flot de Toma qui crache son venin comme les Violent Femmes jadis, Little Rabit plus récemment.
The Cornflakes sonne comme du Cornflakes Heroes, point à la ligne, qu’ils dépassent allègrement sur Off with your heads. Un détour par les 60’ de Morrisson (le chamanique "Behaviour lessons", petite sœur de The End), une escale du coté de chez Nick Drake l’éternel ("Take me out of town"). La bande à Toma imprègnent l’ensemble d’une sauce personnelle, cette jolie naïveté qui rend l’accent français si charmant lorsque les textes sont anglophones.
The Cornflakes proposent en définitive un roadmap du rock mondial à la française, sans enfoncer les portes. Une manière d’insister sur le présent sans renier les influences, et perpétuer l’adage que les groupes de province ont la technique, ceux de Paris l’attitude. Le talent contre la hype. "Lifeline", single indie parfait, confirme le sourire qui s’esquissait déjà, la guitare s’emballe comme une embardée vers Picadilly circus, les batteries lorgnent vers le nouveau continent, le regard, lui, est français, de ceux qui ont regardé trop de fois le train passer pour ne pas le saisir en route.
Technologiquement, rien de neuf sous le soleil, avec une formule guitare/basse/batterie sèche et rude. Pas de piano, production minimaliste, philosophie White Stripes.Mais le soleil continue à briller sur Nantes, lorsque Paris semble éclipsé par les signatures successives de moults artistes sur lesquels les Chaussettes Noires et Chats Sauvages auraient volontiers crachés. Quelques coups de ceinturon peut-être, pour achever l’ensemble. Sur Off with your heads, le talent est dans les compositions, plus que dans le genre musical que les Cornflakes abordent, sorte de post-rock à parole tentant le crossover 60’ / 90’.
Off with your heads est un album d’images, en sépia ou en couleurs. "Overcome" est un cliché du temps qui passe, des secondes qui défilent en acoustique, avec le chant toujours maitrisé, l’électrique jamais très loin. Pas la peine de monter le volume pour dégager la colère, la conclusion du définitif "Revenges on males" se boit comme du lait mélangé au LSD, se lit en diagonal, dans la langue du "Grateful dead", avec ce chant nasillard, ce faux dédain des dandys électriques.
Le soleil se couche déjà sur "Frozen Water", il est temps de border les petits, allumer les bougies, prolonger la nuit et remettre l’album, comme un nouveau levée de soleil couleur rouge espagnol.
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