Comédie dramatique d'Alain-Didier Weill, mise en scène de Jean-Luc Paliès, avec Miguel-Ange Sarmiento, Philippe Beheydt, Bagheera Poulin, Jean-Luc Paliès, Alain Guillo (en alternance avec Jean-Pierre Hutinet), Katia Dimitrova (en alternance avec Claudine Fiévet), Pascal Parsat (en alternance avec Alain Guillo), Isabelle Starkier, Jean-Claude Chapuis au serviteur de cristal et Magali Paliès, Stéphanie Boré, Yana Boukoff et Séverine Maquaire au chant.
De l'Empire des valses à Vienne la Rouge des années 1920, plusieurs siècle durant, Vienne a été la capitale brillante et cosmopolite d’un empire hétérogène, une ville à la fois de tradition et d’avant-garde.
Creuset de la Mittel Europa à l’inter-culturalité productive, Vienne fut un terrain fertile en génies dans tous les domaines artistiques et scientifiques qui remettent en question la culture classique et prônent l'émergence d'un homme nouveau. Simultanément, la société viennoise se trouve en pleine déréliction et connaît une profonde crise d’identité, qui aboutira selon l’expression de Hermann Broch à "l’Apocalypse joyeuse".
C’est dans ce contexte historique, où sévissent l’antiféminisme, l’antisémitisme, l'exacerbation des nationalismes, avec notamment le tiraillement entre les traditions de l’âme autrichienne et l’essor du pangermanisme, qu’Alain-Didier Weill a situé sa pièce "Vienne 1913" qui illustre comment cette crise sociétale induit une crise d'identité individuelle.
Et ce à travers une fiction, placée sous le regard de Freud, celle de la rencontre d'Hugo, un jeune aristocrate viennois, antisémite et également en proie au complexe d’Oedipe pour une mère considérée comme un objet par son mari, et Adolf, désargenté, artiste raté, haïssant la peinture de Klimt qui sublime la féminité, épris des mythes germaniques véhiculés par les opéras wagnériens, qui établit comment la destinée individuelle se trouve parfois sur le fil du rasoir et peut basculer irrémédiablement vers le mal absolu.
Terriblement intelligente et brillante, sans dogmatisme ni déterminisme réducteur, la pièce d’Alain-Didier Weil prône essentiellement la vigilance humaniste et ce n'est pas rien quand on sait qu'il s'agit d'un devoir de tous les instants et d'une tâche qui ne connaît jamais de fin.
Dans une magnifique scénographie "art nouveau" avec la création plastique d'Odile O et accompagné d'un somptueux et spectaculaire orchestre d'instruments de verre, Jean-Luc Paliès réussit une transposition brillante, esthétisante et cependant réaliste, en réunissant les comédiens en formation d’orchestre, dont les rôles sont différenciés par un simple élément de costume.
Tous remarquables, ils interviennent alternativement en lecture au pupitre et en jeu sous la direction d'Isabelle Starker, officiante remarquable, autour du fameux Adolf dont Miguel-Ange Sarmiento donne une incarnation stupéfiante.
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